Chamade 2008 c’est terminé. Rendez-vous en avril 2009
Par Marc à 10:41 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
Un grand merci à toute l’équipe des « Chamadiens » sans qui cette équipée dans le Grand Nord n’aurait pas été ce qu’elle a été :
20 au 30 avril : Etape Bergen – Alesund
Jean-Daniel Pierre Bernard Roland
18 au 31 mai : Etape Bodö – Tromsö
Caroline et Gianmarco Serge
8 au 23 juin :Etape Tromsö – Longyearbyen (Traversée Mer de Barents)
Laurence et Luc Stéphane
26 juin au 10 juillet : Etape Longyearbyen – Ny Alesund (ski)
René Claude et Eric
10 au 21 juillet: Etape Ny Alesund – Ny Alesund
Elena Marine Jonathan
21 au 31 juillet: Etape Ny Alesund – Ny Alesund (film)
Yvan André Olivier Boy
1er au 12 août: Etape Ny Alesund – Longyearbyen
Claude et Cyril Mirko
13 au 28 août : Etape Longyearbyen – Tromsö (Traversée Mer de Barents)
Rosalie et Cédric
31 août au 7 septembre : Tromsö – Alpes de Lyngen – Tromsö
Frédérique et Hubert
Et bien sûr l’équipage permanent qui vous dit MERCI de les avoir aidés à mener la barque.
Back to the telefon (bis)
Par Marc à 12:57 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
La pluie… Il a plu des cordes pendant presque 6 jours…
Pas de chance, vraiment, pour Frédérique et Hubert venu de Paris pour découvrir cette Norvège dont on leur parle tant. Encore aurait-il fallu qu’ils l’aperçoivent…
Heureusement qu’il y a eu cette éclaircie le mercredi… parce que pour le reste…
La météo, un peu sadique, annonçait le grand beau pour le lundi suivant…
De quoi se réjouir! Non pas bien sûr de n’avoir pu offrir à nos amis qu’une dégustation fort humide de ce pays fantastique…
Mais c’est vrai que c’est un coup de chance.
Puisque la dernière tâche, avant de mettre la clef sous le paillasson, c’est de dégréer le bateau, de plier les voiles pour l’hiver après les avoir rincées, et donc de pouvoir les faire sécher.
Et c’est fait.. et bien fait.. grâce à ce temps splendide qui règne à Tromsö cette semaine.
Chamade est donc à nouveau tout nu, dans son costume austère d’hiver.
Loin de son élément aussi puisqu’il traversera la nuit polaire au sec, dans la marina de Skatöra à Tromsö.
Reste à prendre l’avion… à retrouver nos marques terrestres… bref…
Back to the telefon… comme aime si bien dire notre ami Mirko.
Voyage sur la lune
Par Marc à 13:27 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
(Par Frédérique)
Aller vers le nord, atterrir en Norvège, embarquer sur un bateau, se balader au delà du cercle polaire, passer ses journées à se protéger de la pluie et du froid, prendre des pilules contre le mal de mer, vivre à quatre dans un espace grand comme notre cuisine…autant de défis que seule une grande amitié pouvait nous permettre de relever et nous en redemandons…
Même le mauvais temps tant redouté réussit à nous séduire, une symphonie de gris tour à tour métalliques, lumineux, opaques nous attend dans les fjords, chaque vague, chaque nuage, chaque sommet est une divine surprise.
Les mouillages au bout du monde dans des îles improbables, la bruyère et les mousses multicolores, le varech ocre et là bas là bas tout au bout du bout du monde une petite maison rouge…et une fenêtre météo miraculeuse, une journée de cristal, la mer le ciel et les sommets enneigés sont transparents, nous prenons à rêver d’aller encore plus au nord, le Spitzberg, pourquoi pas.
Pour votre amitié, votre hospitalité, votre patience…et votre esprit aventureux, merci Marc, merci Sylvie
Retour à Tromsö, tout en douceur
Par Marc à 13:11 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
Je n’y croyais plus et pourtant c’est arrivé. A peine nous avons abordé le continent, que la Norvège nous a offert en guise d’accueil, une vraie semaine d’été et tout ce qui va avec : un doux soleil et toute une palette de couleurs et de parfums. J’avais oublié le vert des buissons et des arbres sur fond de mer bleue, le blond de quelques plages de sable blotties entre les rochers, le moelleux des tapis de mousses sous le pied et l’humus de la terre et l’odeur des bruyères. Finalement j’ai pu enlever mes couches d’Odlo !
Toujours tenté par l’aventure extrême, Marc, lui, se l’est jouée comme aux Caraïbes…sans toutefois s’ôter le Spitsberg de la tête.
Nous avons musardé une semaine au soleil entre les îles de la région de Tromsö
Pour atterrir en douceur dans l’urbanité et changer une dernière fois d’équipage. Dimanche, les Parisiens embarquent
Spitsberg : un bilan navigation
Par Marc à 16:54 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
Alors… le Spitsberg… à la voile… c’est comment ?
Autant le dire tout de suite, on ne va pas au Spitsberg pour faire de la voile.
Aller au Spitsberg en bateau, c’est avant tout disposer d’un fabuleux moyen d’exploration.
Pas de route, pas de chemin, pas de village… Rien ne se fait par la terre, tout se fait par la mer.
Mais la plupart du temps, au moteur. 310 heures de moteur en 2 mois et demi !
La région, si proche du pôle nord, est peu ventée (parfois trop !). Et dans les chenaux ou les fjords, le vent est rarement bien utilisable. Attendre des conditions favorables à la voile, c’est souvent perdre un temps précieux pour la découverte.
Vive donc le moteur, d’autant plus que sur la côte nord-ouest, une bonne partie est en eaux protégées. La navigation y est assez simple, et les cartes sont dans l’ensemble précises (Maxsea mm1). Attention toutefois au décalage existant avec les positions GPS. Surtout dans le nord, où 100 à 200 mètres de décalage sont monnaie courante. Mais les points de repères sont nombreux pour corriger la position… pour autant qu’il n’y ait pas de brouillard.
Brouillards fréquents, parfois impénétrables, entre la baie du Roi et celle de la Madeleine.
Le radar nous a permis souvent de faire route sans trop craindre de collision avec les bateaux de croisière qui sont nombreux dans cette zone. Mais attention, le radar ne détecte pas les growlers, et les passages au large des glaciers demandent une veille très attentive. Et encore… le facteur chance joue son rôle. La coque de Chamade gardera une bosse en souvenir d’une rencontre à 6 nœuds avec un beau glaçon de 2 à 3 tonnes au moins!
Attention aussi devant les fronts glaciaires où suite au recul souvent spectaculaire des glaciers, on navigue au sondeur en Terra Incognita… la position GPS reportée sur la carte vous situant sur le glacier !
C’est donc avant tout la glace qui dicte sa loi. S’il est facile d’obtenir la carte des glaces par Internet à Longyearbyen ou Ny-Alesund, pour le reste il faut rester prudent, surtout si le vent est de nord. Il peut alors facilement ramener la banquise. Et cela très rapidement (en quelques heures !) La zone la plus exposée étant la côte nord, surtout cette année 2008 où la banquise est restée très proche de l’archipel durant tout l’été. Le risque est moindre, voire presque inexistant sur la côte ouest dès début juillet.
Autre coin délicat, surtout fin juin et début juillet, le Sörkapp, la pointe sud du Spitsberg. Là les vents d’est ou de sud permettent aux plaques de banquise venues de la côte est de contourner la pointe avant de remonter avec le Gulfstream vers le Hornsund, voire même le Bellsund.
Cette année, fin juin, 4 voiliers se sont laissés enfermer par la banquise en passant trop près du cap, devant leur salut à un chalutier russe pour l’un d’eux, et au garde-côte norvégien pour les 3 autres, leur sauveteur leur ouvrant la voie dans les plaques dérivantes. Même si la carte des glaces prise à Tromsö est optimiste, il faut donner un bon tour au Sörkapp (30 milles) en arrivant au Spitsberg.
Côté météo, nous disposions de fichiers grib Maxsea Chopper reçus quotidiennement par le téléphone satellite Iridium. Remarquablement précis sur 24 heures, très bon sur 48 heures, nettement plus approximatifs à 72 heures. (temps de chargement pour un fichier de 18Ko allant de la Norvège au nord du Spitsberg : entre 2’30’’ et 7’( !) via le kit data, 1,2$/minute via une carte prepaid). Sur les côtes de Norvège nous prenions des fichiers Ugrib plus complets mais plus lourds (200-300Ko) via le téléphone portable GSM avec modem data et une carte SIM norvégienne. (1,6€ le Mo)
Quant aux mouillages, ils sont nombreux et souvent bien protégés du vent et de la mer ; pas toujours de la glace dérivante. Il faut donc être prêt à lever l’ancre n’importe quand. Heureusement le jour permanent facilite les choses. La tenue des fonds est bonne (merci à l’ancre Spade) à condition de « passer » à travers le kelp (algue) qui parsème souvent les fonds.
Enfin pour revenir au moteur (Volvo 40cv, 2,2 l/h en moyenne à 6 nœuds), on peut faire le plein de gasoil à Longyearbyen et à Ny-Alesund pour moins cher qu’en Norvège (moins de taxes). (8 Nok le litre, soit environ 1 euro). Nous disposons de 360 litres de fuel dans les réservoirs.
Enfin côté ravitaillement, on trouve tout à Longyearbyen. Gros supermarché bien achalandé. Le vin y est hors-taxe ! Mais plus rien ensuite. Pour nos 7 semaines sur la côte nord-ouest, nous avions un accord avec le cuistot de la base scientifique de Ny-Alesund. Nous avons pu ravitailler en viande, légumes, fruits et pain tous les 15 jours. S’y prendre longtemps à l’avance par mail via la King’s Bay Company qui gère la base.
Retour à la civilisation
Par Marc à 16:45 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
(Par Sylvie)
Quatre jours à peine de traversée, 500 milles de navigation et la nuit nous est tombé dessus.
Son seul préavis de retour: deux crépuscules de minuit flamboyants sur une mer grise et houleuse. Et puis tout est rentré dans l’ordre : l’immuable alternance du jour et de la nuit…
Rideau sur le monde décalé du Spitsberg, sur ses journées sans fin, ses neiges estivales, ses montagnes austères posées sur l’eau, ses glaciers tonitruants dont les vomissures éclaboussent la mer de cristaux monumentaux et de strass finement ciselés.
Deux mois durant, nous nous sommes moulés dans ce décor mutique d’ombres et de lumières violentes, de brouillards flottants, et de roches acerbes où il faut un œil de lynx pour dénicher un peu de végétation. Tout un univers en soi, rude et distant qui, encore aujourd’hui, ne se laisse pas facilement aborder.
Parce que là-bas, seule la nature dicte sa loi (tandis que le Sysselmann, le gouverneur du Spitsberg, lui, ponds des règlements pour la protéger). Une nature brute de brute, impitoyable avec son théâtre cruel de vie et de mort. Celui des hommes qui depuis des siècles se sont échinés à percer les secrets des glaces où à tenter d’en extirper les richesses. Celui d’un monde animal aux aguets le plus souvent invisible et silencieux, excepté les oiseaux, bien entendu. Nous en avons été les spectateurs fascinés, mais aussi les protagonistes discrets, sorte de Robinson des contrées polaires, comme autrefois, les baleiniers, les trappeurs ou autres aventuriers de l’Arctique.
Car, au Spitsberg, on redécouvre aussi la simplicité (et la difficulté) d’une vie sans eau courante, sans électricité, sans téléphone, sans internet, sans montre, sans rendez-vous, sans fard, sans shopping, sans micro-ondes, ni machine à café.
Pas confort confort, mais rien d’ascétique, rassurez-vous. La vie à bord de Chamade fut des plus conviviales et joyeuses : bonne bouffe, bon vin et profusion d’amis, de conversations et de bouquins (dont une partie sur le Spitsberg, bien entendu) pour nourrir l’esprit aussi bien que le corps… L’odeur de pain grillé (sur le gaz) qui sonne le réveil à n’importe quelle heure…et les mouillages au Talisker – labellisé boisson typiquement chamadienne – pour se réchauffer. J’en ai déjà la nostalgie, rien que d’y penser
Seulement voilà. Ce mercredi 20 août, après quatre jours de traversée et 500 milles de navigation, la nuit nous est tombée dessus, nous avons allumé les lumières dans le bateau parce que nous n’y voyions plus assez clair, mon portable qui a retrouvé un réseau GSM a recommencé à biper, j’ai remis ma montre au poignet et j’ai pensé au rendez-vous chez le coiffeur que je dois prendre à Tromsö….Retour à la civilisation.
Le Spitsberg, lui, va entrer dans sa nuit polaire et viendra sans doute hanter mes rêves encore longtemps. Petit pincement au cœur en songeant que je ne le reverrai sans doute plus. Mais, je l’avoue sans honte, une furieuse envie me tenaille d’enlever mes quatre couches d’Odlo, polaires et autres cirés, pour chauffer ma peau au soleil d’un été méditerranéen, avec en prime, si possible l’odeur des pins et d’un bon café italien.
Voyage au bout de la nuit
Par Marc à 16:38 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
16 août, 23 heures… Chamade quitte le Hornsund, direction sud, direction Björnoya.
Le dernier fichier météo confirme la fenêtre : 36 heures de vent d’ouest, nord-ouest, 20 à 25 nœuds. Il ne faut pas laisser passer l’occasion.
Très vite la mer se creuse, le vent est là, bien là, des pointes à 30 nœuds. 3 ris dans la grand-voile, histoire de soulager le pilote et le bateau file à 7 nœuds. La traversée sera rapide, sous un ciel gris qui soudain se déchire alors que nous approchons de Björnoya, histoire de nous offrir notre premier coucher de soleil depuis 3 mois. Eh oui, nous filons vers le sud et donc vers la nuit. C’en est fini du jour permanent et du soleil de minuit.
Mais à 3 heures du matin il fait déjà plein jour au moment où nous jetons l’ancre à Kolbukta sur la côte nord-est de l’île. 170 milles en 28 heures… la traversée n’a pas traîné.
Le temps d’un bon sommeil et les nouveaux fichiers météo laissent entrevoir une nouvelle fenêtre. Du calme pour une quinzaine d’heures, suivi plus au sud de vent d’est, sud-est de 20 à 25 nœuds. Une chance à saisir. Nous repartons immédiatement, dans le brouillard, au moteur, en infléchissant notre trajectoire un maximum vers l’est afin de recevoir le vent sur le travers au moment où il atteindra son maximum.
Stratégie payante dès le lendemain où nous resterons 24 heures vent de travers, 25 nœuds et mer bien formée, jusqu’à notre atterrissage sur la côte norvégienne. Nouvelle traversée un peu chahutée mais rapide : 280 milles en une quarantaine d’heures.
Avec aussi soudain l’impression qu’il fait doux, presque chaud. Un coup d’œil au thermomètre montre que l’eau a désormais 10° et l’air 12°. Du plus vu depuis avril dernier. C’est le bon côté de la chose.
Le moins bon, c’est la nuit. Cette première vrai nuit vécue à Torsvag, petit port de pêche choisi comme point d’arrivée. 2 heures de nuit noire… L’horreur… après des mois de lumière.
J’en viens à espérer me réincarner en sterne dans une prochaine vie. Histoire de faire comme elles. Suivre le soleil permanent, et passer de l’Arctique à l’Antarctique chaque année.
Bouquet final
Par Marc à 16:30 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
Il est de tradition au cirque de terminer le spectacle par un bouquet final. Sorte de feu d’artifice durant lequel tous les artistes de la soirée reviennent sur scène pour un dernier tour de piste, un salut à leur public.
Et le Spitsberg n’aura pas dérogé à la tradition.
Car il fallait bien l’admettre en ce 14 août, il était temps de mettre le cap sur la Norvège, de laisser ce superbe coin de terre à son destin hivernal auquel nous n’étions pas convié.
Départ donc de Longyearbyen le 14 août pour le Bellsund et le Hornsund, étape intermédiaire dans l’attente d’une fenêtre météo favorable pour la traversée retour. Fenêtre pas attendue avant plusieurs jours si l’on en croît les fichiers grib. Et c’est finalement là que la troupe du Spitsberg allait nous offrir son bouquet final.
Le 15 août nous sommes devant le front du Fridtjovbreen.
Premier tableau… l’effondrement de la grotte glaciaire qui marque le milieu du front glaciaire. Enorme ! Incroyable ! Une masse gigantesque qui s’effondre d’un seul coup après une matinée entière de craquement et d’écroulements d’avertissement.
Puis c’est le passage d’une mouette ivoire qui vient faire son tour d’adieu (Rappelons que seuls 200 couples nichent au Spitsberg)
Et soudain sur un glaçon, une masse blanc crème, un ours… paresseusement endormi.
Il se réveille bien sûr à notre approche, plonge lentement dans l’eau glacée et regagne la rive où nous pouvons le suivre une demi-heure durant alors qu’il déambule lentement, presque dédaigneusement, à la recherche de nourriture.
Le 16 août, nous sommes à Gashmana dans le Hornsund. Et c’est au tour de 3 bélougas de venir faire leurs adieux.. A terre des incroyables restes d’ossements de baleines… vestiges des années 1600 : c’est aussi ça le Spitsberg…
Et des traces d’ours, énormes… sur un ilôt au milieu du Hornsund.
Sans compter les sternes, les mergules, les pétrels, les goélands, les mouettes tridactyles, les guillemots, les macareux, les bécasseaux violets, les eiders, les bruants des neiges, les phoques, les baleines de Minkie, et fnalement les dauphins qui viendront faire un bout de route alors que Chamade file vers la Norvège.
Eh oui, il fallait partir… s’arracher à ce monde incroyable… mais quel « au-revoir »
Back to the telefon
Par Marc à 15:34 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
(Par Mirko)
Comme l’écrit Sylvie dans de ses postes du journal de bord « … je ne reviendrai peut-être jamais là-haut … ». Et en plus dans ma tête de jeune homme de 18 ans à l’écoute d’une des nombreuses expériences toute « francis-pareliènne » qui soit je m’étais mis en tête que là-haut j’irais une fois. Et de commencer de chercher des contacts, des filons. Les économies étaient vite en place pour m’offrir le seul moyen de transport « officiel » à savoir la croisière organisée sur un paquebot. Encore faut-il assumer ce genre de voyage à 20 ans. J’ai serré le poing et rangé cette idée, histoire de laisser la chance au temps et ou de provoquer cette chance un peu plus tard dans ma vie. J’utilisais ces économies pour monter une autre aventure à Madagascar. Faut croire que je n’avais pas envie du climat spitzbergien à ce moment là.
Me voici dans le train tout matinal qui m’accompagnera à Zurich aéroport. Quel sentiment de liberté. J’ai l’impression que mes bras déployés doivent approcher les 10 m d’envergure. Je ne me reconnais pas. Je me suis acheté un appareil photo. Je n’en ai jamais eu à moi. Et là je me surprends à mémoriser dans les 8Gb tout ce qui semble être un détail important de ce voyage qui commence. Je me fais rire. Marc m’en aura parlé des dizaines de fois de ces noms tout norvego- spitzbergien, de Tromsö, Longyear. et autre Ny-Alesund. Je ne suis toujours que trop peu capable de les situer sur la carte. Mais là ça devient chaud. Dans ma tête les connections se font, j’arrive sur place, je mets des images. J’intègre. Je m’intègre au lieu. Je prends et j’emmagasine. Mes cellules vibrent, mes yeux scannent.
Et alors c’est comment en vrai?
Si je devais résumer très court le Spitz, ça ressemblerait à: – « Un environnement alpin, massif du Mont- Blanc, 3000 m. Tu y ajoutes la mer, des lignes de marées imprimées sur la roche des montagnes, et un bateau. En résumé, c’est la mer à 3000m. « Le port de la mer de glace » du délirant chamoniard Dominique Potard existe, ici au Spitzberg.
Je retrouve des sensations de totale confiance envers mon ami Marc. Rien n’est laissé au hasard et tout a une explication plausible et vérifiable. Ca en devient presque simple. J’avais déjà connu ces mêmes sensations lors de notre expérience Patrouille des Glaciers en 2002 et lors de notre périple lapon. Finalement avec un niveau de préparation et de tolérance pareille que peut-il bien nous arriver ? Juste l’imprévu. Finalement pas beaucoup de place à l’imprévu.
Quand je ne connais pas quelque chose, des appréhensions, des peurs peuvent fantasmer dans ma tête. Rien de tout ça par ici et en cette compagnie.
L’excitation est réelle, le sommeil ne vient que très rarement avant 2h du matin. La lumière du jour permanente est énergisante. Quel contraste aussi entre le ciel sédunois et celui visible ici au nord ! Au même titre qu’au milieu d’un désert de sable où il fait très souvent beau et chaud, ici dans cet environnement spitzbergien le climat, les lumières, la température, les nuages sont différents que dans le désert. C’est justement cette particularité qui me plaît. Et quand un rayon de soleil, dans le sens où on veut bien l’entendre selon nos habitudes sous nos latitudes, descend clairement jusqu’au niveau de la mer c’est juste parfait.
Ce climat offre des ambiances tellement particulières. Les bruits si faibles soient-ils, les odeurs si discrètes, mes sens sont concentrés et affinent leur ressentis pour tenter de découvrir. J’imagine la truffe et les oreilles de l’ours chasseur frétillants tentant de lever une proie. Back to the roots.
Tel un gamin aimant les trucs et autres machins mécaniques je n’ai pas envie que les journées se terminent pour pouvoir prolonger le jeu de la journée. La nuit, ou le moment où on dort me semble être du temps perdu. Qu’est-ce que je manquerai pendant ces heures les yeux fermés ? Finalement le sommeil devient « usine à rêves ». Des rêves totalement influencés par le moment. Des rêves où tout devient possible, où les animaux parlent un langage que je comprends. Je dors dans un monde fantastique. Les réveils ne sont pas traîtres puisque je suis bel et bien au milieu de ce fantastique environnement. Les animaux eux se font plus discrets.
L’heure des tartines et l’odeur du café me donnent du sourire au réveil depuis que je bois du café avec l’autorisation de mes parents. Une nouvelle odeur est présente maintenant, dans ma truffe: le pain grillé au feu du gaz propane norvégien… A cette odeur s’ajoute un goût liquide, lui aussi nouveau, celui du whisky préféré avec modération de mon ami Marc. Une seconde de regrets au « free tax » au moment où je ne me souviens plus exactement du nom de ce breuvage ni de son âge ? 10, 12, 18, 25 ans ? Peu importe, je n’en achèterai point; il n’aura jamais le même goût à la maison que « à bord ».
Le viseur télévision, typique aux appareils photos numériques, s’est éteint définitivement après que j’aie choisi de me retenir moi au bateau plutôt que de rattraper le Nikon sans dragonne en pleine chute libre. C’est à travers le viseur traditionnel que je choisi ce que je vais emmagasiner dans la grosse mémoire électronique. Les images déclenchées depuis « à bord » seront panoramiques. Les photos terrestres seront des images de détail. Je me surprend à essayer de figer tellement de paysages.
Marc a gueulé ! Et il en rajoute une couche ! Que se passe-t-il ? – « Il est là !!! … » – » ??? … » -« Là !!! … Là !!! … » -« Quoi ? » -« Il est là !!! … » -« ??? … » -« L’ours ! Il est là ! Là! » On a croisé le maître des lieux ! Il est beau ! presque chou avec sa fameuse truffe hors de l’eau et ses deux oreilles qui dépassent de la flotte. Finalement Winny ou Teddy ça lui va pas mal comme nom. De toute évidence il change de route puisqu’on le suit. C’est donc qu’il n’apprécie que moyennement le fait d’être tracé dans son sillage. Il semble être calme. Sa vitesse de nage ne semble pas être vitesse- panique. Il maîtrise donc le moment l’ami Teddy ! De temps en temps il retourne la tête, presque désinvolte, pour mesurer la distance entre lui et le bateau. Il s’éloigne. Finalement un simple clignement de nos yeux charmés suffisent à perdre la trace de Winny parmi les glaçons. Il paraît que l’ours peut attaquer l’homme. J’ai de la peine à imaginer une attaque tant il a l’air paisible dans sa ballade aquatique.
Combien d’heures ai-je déjà passés sur le pont, les jumelles autour du cou ou rivées à mes yeux pour y découvrir quelque chose. La mer est ses courants nous proposent des rencontres visibles aux jumelles: quelques troncs de bois flottés. Parfois le bois croisé en pleine mer contient des traces de façonnage. Certainement la partie d’une charpente? D’où vient il ce bout de bois ? Les jumelles et le cerveau s’allient quand je décide de me mettre à la recherche d’un animal. Un phoque ? Certainement que je distingue un phoque au loin. Oui c’est un phoque qui profite du soleil, vautré sur un glaçons à la dérive … Ca c’est le résultat de la première observation à travers les jumelles. Au fur et à mesure que nous nous approchons du nouveau copain phoque, en fait celui-ci se transforme en tas de cailloux et le glaçon est un rocher saupoudré de neige. Combien de fois l’alliance jumelles-cerveau m’ont inventé des mirages du froid !
La couleur gris-brossé de Chamade se mélange bien dans le décor de roches noires quand nous à proximité de la terre. Les propriétés techniques de l’aluminium de la coque de Chamade sont bien en rapport avec le climat. La température de l’eau est transmise par la matière grise de Chamade. Le gris de Chamade est aussi précis et aigu que le bleu de l’eau et le turquoise des glaçons. Ces trois couleurs se fréquentent parfaitement dans le décor. Tout ceci est esthétique.
Ciao. Rko
Quand l’hiver sort sa palette
Par Marc à 15:32 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
Comment dire l’hiver… comment dire la neige par 80° nord.
Magnifique… le mot est faible.
Magique peut-être…
Mais ça se mérite. Il faut d’abord oublier les flocons qui mitraillent le visage. Oublier le frisson qui parcourt l’échine… le bout des pieds, glacé, dans les bottes.
« Il n’y a pas de mauvais temps, que de mauvais habits » dit le dicton norvégien…
Il y a des jours où on a envie de répondre « Tu parles… ! »
Ça se paie… mais quelle récompense…
La magie des lumières gomme tout…
On se prend à rêver éveillé…
Certains voient même des petites sirènes… d’autres quelques phoques sur un glaçon…
Encore de la neige… encore de la banquise… encore des ours !
Par Marc à 14:47 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
Encore une de ces journées qui nous vaut un plein de souvenirs et d’émotion.
C’est d’abord un départ à 4 heures du matin sous les averses de neige. Visibilité réduite et confort à la barre ! L’hiver lance sa première offensive un 6 août !
Et sitôt les grains passés à la sortie du fjord, la glace ! La banquise est vraiment de retour !
D’immense zone de pack flottent un peu partout. Vent force 4 de travers, on se glisse entre les plaques. L’ambiance est incroyablement arctique.
Mais on se dit qu’il est vraiment temps de quitter cette zone nord, où la banquise, cette année, n’est jamais bien loin. Décidemment le piège se referme bien vite.
4 heures plus tard nous arrivons vers les îles Dansköya et Amsterdamöya. Tout est blanc, renforçant encore le caractère hivernal de ces navigations riches en rebondissement.
Et 2 heures après, en plein dans le goulet qui mène à la baie de la Madeleine, loin des glaciers, soudain… 3 ours sur la rive. Une mère et ses deux petits. Dans un lieu où on ne les attendrait pas à priori. Comme quoi, le fusil, toujours et en tout lieu pour débarquer… ce n’est pas un luxe !
Mais, là à une vingtaine de mètres du rivage, pas de problème… c’est juste le plaisir de les observer à loisir… Superbe.
Retour impromptu de la banquise
Par Marc à 14:46 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
5 août encore; 16 heures:
La grisaille est de retour, et le vent avec. 15 nœuds de travers, un vrai régal pour Chamade qui file 7 nœuds vers le mouillage de Mushamna de l’autre côté du Woodfjord.
Un mouillage en forme de lagon, protégé par une moraine qui laisse une passe de 50 mètres de large. Mais au moment d’affaler les voiles, une bande blanche attire mon attention au large. On dirait de la glace… comme de la banquise.
A peine mouillé, je file à terre pour prendre un peu d’altitude. A la jumelle le verdict est clair. C’est bien du pack, de la banquise qui revient dans le fjord. Cette année, rappelons-le, la banquise qui n’est pas loin. C’est encore peu de chose pour l’heure, mais elle approche et envahit une partie du fjord. Le risque de se faire piéger au mouillage devient réel. Pas une minute à perdre, on lève l’ancre et reprenons le large. On décide donc de passer la nuit en mer et de revenir vers la pointe nord-ouest du Spitsberg.
Mais le temps de traverser le fjord et l’horizon devient noir, et bien vite on se retrouve en pleine neige, 25 nœuds de vent, plein ouest et la température qui tombe à 2 degrés… Pas très envie de louvoyer dans ces conditions. On repère une légère baie sur le rive est de Reindyrsflya et l’ancre tombe. Avec ce vent et le courant dominant, la glace est repoussée vers l’est. On devrait être tranquille pour attendre que ce front non prévu par les fichiers météo ait finit de passer.
Au matin tout est blanc, l’hiver a lancé sa première escarmouche. Le dernier fichier météo indique bien maintenant ce front. Il devrait faiblir et tourner au nord d’ici la nuit prochaine.
On attend… bien au chaud !
Rendez-vous avec l’ours
Par Marc à 14:45 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
15h, toujours ce 5 août
En quittant le front du glacier, l’œil est aux glaçons.
Il y en a partout et il faut éviter les chocs trop violents. 1 mètre de diamètre, c’est déjà plusieurs tonnes qui vous attendent… et qui va piano va sano.
Et soudain sur l’avant à droite, un glaçon un peu plus jaunâtre…. Qui bouge…
L’ours !
« L’ours ! Là… juste devant… l’ours… »
Ah, ça je le sentais… je sentais qu’on avait rendez-vous avec l’ours à Monaco.
Intuition venue ce matin lors d’une ballade à terre où j’avais repéré des traces d’ours dans de la moraine molle.
Et le voilà… glissant dans l’eau, le nez affleurant, slalomant entre les glaces.
Il nous a bien sûr repéré et nous contourne en nageant étonnamment rapidement (2 nœuds au moins, 4 km/h)
La règle veut qu’on ne le « course » pas. Qu’on ne le harcèle pas. Reste qu’il est tout de même difficile de ne pas le suivre à la jumelle, et de ne pas se mettre sur sa trajectoire. Et le voilà qui repasse à 50 mètres. Le plus étonnant c’est d’apercevoir pas bien loin des phoques. Dans l’eau, pas sur un glaçon. Et là ils ne risque rien, ils nagent bien plus vite que leur agresseur.
A bord on fait silence… on observe… le lent ballet silencieux du grand prédateur.
Tout semble calme, inoffensif… c’est pourtant la mort qui rôde… Mais avec classe !
L’ours peu à peu s’éloigne entre les icebergs… à la recherche de sa proie… et Chamade repart… incroyablement gâté.
P.S. Il faudra payer l’apéro au capitaine puisque c’est lui qui a vu l’ours en premier !
Big Day
Par Marc à 14:44 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
On peut dire que le 5 août restera gravé dans nos mémoires.
Tout a commencé déjà au moment de quitter le mouillage de Hornboekpollen.
Le temps justement de « jardiner » et de négliger le léger courant de marée et Chamade s’échoue mollement dans de la vase. C’est marée descendante et donc pas le moment de traîner. En 30 secondes l’annexe est à l’eau et l’ancre Spade alu mouillée au large. 3 coups de winch et il n’en paraît plus… De quoi réveiller les esprits embrumés.
Blanche Neige et les milliers de nains
Route ensuite pour le front du glacier de Monaco sous un soleil éclatant. Très vite on peut apercevoir au centre du glacier, juste là où s’écoule l’émissaire du glacier, des milliers de mouettes tridactyles. De loin c’est comment un essaim de moustiques blancs. Même Cyril, l’ornithologue du bord et grand spécialiste des mouettes en tout genre déclare n’en avoir jamais vu autant en même temps. Son Canon chauffe !
Et soudain une mouette ivoire, puis une deuxième. (repérées bien sûr par Cyril)
Au Spitsberg, il n’y aurait que 200 couples de cette mouette arctique qui niche essentiellement dans les îles inaccessibles de la partie russe de la mer de Barents. Pour Cyril qui n’en n’avait pu prendre qu’une photo (et encore dans la grisaille) lors d’un précédent séjour au Spitsberg, l’occasion est unique. Le Canon surchauffe !
Une cathédrale engloutie
Sur notre gauche cela fait un moment que les petits écroulements se succèdent sur le front du glacier. Il y a même un immense bloc qui semble défier les lois de l’équilibre. Mais qui sait quand il finira par basculer…
Et bien justement : maintenant !
On peut l’estimer à 20m sur 50m de large, par une hauteur de 80m. Une vraie tour de cathédrale qui soudain s’affaisse, d’abord lentement, puis dans un fracas total.
A trois cents mètres, là où nous sommes, les vagues, pourtant étouffées par la glace flottante, sont encore impressionnantes. Là le Canon reste de glace …pris au dépourvu
Les yeux encore pleins de ces images incroyables on remet en route, cap vers le mouillage de Mushamna. Mais la journée est encore loin d’être finie !
C’est en mouillant qu’on devient jardinier
Par Marc à 14:43 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
35 mouillages à ce jour au Spitsberg, je pense qu’on peut maintenant émettre quelques considérations sur le mouillage arctique, ou au moins spitsberguien.
D’abord pour dire que tout va bien.
Les mouillages sont nombreux et la plupart du temps on trouve des profondeurs idéales, entre 5 et 10 mètres d’eau.
Mais les approches sont prudentes. L’eau, chargée de limon, est le plus souvent totalement opaque. Les fonds sont pratiquement toujours constitués d’un mélange de moraine et de glaise vaseuse. Mais le plus souvent recouverts d’une bonne couche de kelp, cette algue à grandes feuilles et à la tige très longue.
Merci à l’ancre Spade, elle traverse le tout et elle tient.
Nous n’avons jamais dû nous y reprendre à deux fois. La manière est toujours la même. On mouille, en reculant lentement, une trentaine de mètres de chaîne et l’on fait crocher doucement sans forcer sur le guindeau. Puis on ajuste la longueur, on croche un bout sur la chaîne et marche arrière pour faire prendre. Et ça marche à chaque coup (on croise les doigts pour le futur !) le rappel est même parfois impressionnant.
Restera ensuite à relever et à « jardiner » selon l’expression désormais consacrée à bord.
Et le kelp se défend bien, avant de retourner dans son abîme glacial.
Nouvelle affaire Sterne à Monaco
Par Marc à 14:35 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
Dépêche d’agence.
Génocide arctique : le TPI va-t-il intervenir ?
« (ats-afp) 3.08.2008. Baie du Glacier de Monaco, 79°36’N 12°38’E »
Des morts par dizaines, victimes des rafles systématiques d’un renard polaire, voilà ce qu’a pu observer notre envoyé spécial sur l’archipel de Lerner en baie de Monaco à l’extrême nord du Spitsberg.
Une colonie de sternes arctiques a choisi un îlot de quelques centaines de mètres carrés pour venir y établir ses quartiers d’été et s’y reproduire tranquillement. Dans des nids posés à même le sol. D’ici quelques semaines elles auraient dû repartir par la voie des airs, accompagnées de leur progéniture. Mais sur ce même îlot, un renard arctique, dénommé Maître Goupil a trouvé refuge lors de la débâcle de la banquise. Et malgré une défense courageuse et permanente des mamans sternes, le renard croque l’un après l’autre les poussins tout fraîchement sortis de l’œuf. Pas un ne semble échapper à son cruel et méthodique travail. Notre envoyé spécial a pu ainsi observer la terrible fin de deux oisillons en moins d’une demi-heure.
Que ce soit la méthode, la stratégie ou la systématique de ces assassinats, tout concourre à ce que le qualificatif de génocide puisse être employé.
Le Tribunal Pénal International va-t-il intervenir ?
A l’heure où nous mettons sous presse, rien n’est encore sûr, mais l’on peut déjà s’attendre à une mobilisation de la communauté internationale aussitôt que ces faits tragiques seront portés à sa connaissance.
Déposition de Madame Sterne
Au nom de la colonie des sternes de l’archipel de Lerner, j’en appelle à l’intervention de la communauté internationale pour que cesse le massacre perpétré par ce serial killer de Goupil qui mène contre nous une guerre inique et génocidaire.
Voyez ces mères pondeuses qui ont vu leurs petits kidnappés sous leurs yeux et déchiquetés par les mâchoires de ce criminel. Elles sont au désespoir.
Comme toute sterne – mâle ou femelle -, normalement constituée, elles ont parcouru 15’000 kilomètres de l’Antarctique où elles ont passé l’hiver, jusqu’en Arctique où elles viennent nicher chaque année. Nous n’y pouvons rien si nous ne supportons pas la nuit. C’est pour ça qu’il nous faut migrer si loin pour nous reproduire. Nous n’occupons le territoire de personne. Nous venons simplement nous installer pour quelques mois au bord de la mer où le soleil ne se couche jamais.
On nous dit agressives, mais nous n’avons pas l’instinct belliqueux. Si nous attaquons, c’est pour défendre nos œufs et nos petits. On ne peut même pas parler d’attaques. Ce sont plutôt de coups de semonce pour signifier aux potentiels agresseurs qu’ils ne doivent pas franchir les limites de notre actuel territoire de ponte. Ce d’autant que nos femelles nichent sur le sol et non dans des falaises inaccessibles, comme nos cousines les mouettes tridactyles.
Facile pour Goupil de décimer notre progéniture sans défense. Même si nos escouades de fantassins- génitrices en tête – fondent sur lui, en criant très fort, on ne le fait pas facilement déguerpir. Et s’il déguerpit, il revient, n’écoutant que son estomac et son instinct de prédateur sanguinaire. Nous mettons plus facilement en déroute d’autres ennemis, comme les goélands ou les labbes qui s’en prennent aussi à nos poussins, au mépris de tout sentiment de solidarité envers leurs frères à plumes.
Avec Goupil c’est une autre affaire. Il a vraiment entrepris de nous liquider sur ce bout de territoire qu’il considère comme son garde manger. Si ça continue comme ça nous ne pourrons plus assurer notre descendance et la colonie des sternes disparaîtra de l’archipel du Lerner.
-Comment ?
-Oui c’est vrai, nous aussi nous tuons des poissons pour nous nourrir et nourrir nos petits, mais avec le poisson nous luttons, si j’ose dire, à armes égales. Et puis des poissons, il y en a plein la mer, en permanence. Mais vous n’allez tout de même pas nous comparer à ce criminel de guerre qu’est Goupil !
Déposition de Maître Goupil
Moi, un criminel… Allons donc !
J’aimerais bien vous y voir. Essayer donc de survivre, bloqué sur un îlot de 200 mètres par 100. Bloqué là tout l’été. Venu cet hiver par la banquise, me voilà coincé par la débâcle. Rien à se mettre sous la dent sinon ce que la nature veut bien m’offrir, à savoir une colonie de sternes. Est-ce ma faute si ces oiseaux ont choisi ce caillou pour venir s’y reproduire ? Ce n’est pas la place qui manque ailleurs. Elles ont donc choisi ce coin, c’est leur destin… et c’est aussi le mien. Alors je prélève mon tribut… rien de plus naturel en somme.
D’autant plus que ça se mérite. Ici je ne peux pas faire un pas sans que ces bestioles se mettent à piailler, à me foncer dessus en piqué, à me harceler sans cesse. C’est d’un casse-pieds… Pas moyen d’avoir la paix une seconde.
Quand je pense qu’elles croient ainsi me dissuader, me distraire… tu parles !
Mais c’est vrai que finalement c’est assez facile de repérer leur poussin. Et là, je ne me laisse plus impressionner, je fonce… et je mange.
Oh je sais que certains me diront que j’exagère, que je fais des ravages, que je pourrais bien en laisser quelques-uns. Mais soyons sérieux ! D’abord, des sternes… ce n’est pas ce qui manque… Pas de danger qu’elles disparaissent.
Et puis l’été… c’est long… il faut bien faire des réserves. Déjà que je ne suis pas bien gras. On me décrit même comme famélique. Alors ?
Laissez donc faire la nature. Et d’ailleurs, Monsieur le juge, je ne fais que respecter scrupuleusement la loi. Celle de la nature. C’est peut-être la loi du plus fort. Mais c’est la loi. Et en plus, quand l’hiver arrivera, ces dames iront se faire bronzer en Antarctique, alors que moi il faudra bien que je survive dans la nuit polaire.
Donc bon appétit ! J’assume, je persiste et je signe.
Bidet arctique
Par Marc à 14:35 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
(Par Sylvie)
Ok, ça va. Pas besoin de s’appesantir sur le sujet. C’est vrai, j’ai pas mal fantasmé en apprenant par notre guide touristique qu’il existait dans le Bockfjord, des sources d’eau chaudes :« 3 large warm springs suitable for bathing » . Je me voyais déjà me prélassant dans un bassin d’eaux fumantes du genre de celles qu’on trouve en Islande. Avouez que c’est humain lorsqu’on flirte depuis deux mois avec des eaux à 4-5° par 79° de latitude Nord et que la dernière douche chaude remonte à plusieurs semaines (la douche de Ny-Alesund ne débite plus que de l’eau froide…il faut faire avec).
C’est donc pleine d’allant que j’enfilai – sous la couche habituelle de polaires – mon maillot de bain pour entamer la grimpette qui devait nous mener aux sources des réminiscences volcaniques du lieu, à cinq cents mètres du mouillage.
Armés d’un seau, de gel douche et de shampoing – en plus du fusil – l’équipage de Chamade partait pour de grandes ablutions dans ce hammam spitsberguien.
Mais nous avons très vite déchanté : la plus « large warm springs » qui se présentait à nous suintait dans un minuscule bassin en forme d’huître. Juste de quoi faire un bain de siège sur un tapis de vase et d’algues, tout ce qu’il y a de plus naturel, mais pas franchement ragoûtant. Quant au « warm », nous avons appris qu’il n’avait pas la même signification sous toutes les latitudes : l’eau était à peine tiède (20 à 22°). Nous nous sommes tout de même jetés à l’eau, au risque de faire déborder la cuvette, de la vider de son eau et de priver le nord du Spitsberg d’un bon piège à toutous.
En effet, nous aurions dû flairer l’arnaque en voyant, sur notre guide la photo de l’anti-Apollon norvégien qui trempe ses fesses dans l’huître. Parce que cette source là n’a rien à voir avec les vraies «warm springs » c’est-à-dire les Trollkildene qui, elles, se trouvent à 7 kilomètres à l’intérieur de la montagne donc peu accessibles aux touristes de passage, venus de la mer.
Enfin, le bidet du Spitsberg nous aura malgré tout servi à un lavage de cheveux très spartiate et fait économiser à Chamade quelques litres d’eau.
Pour le bain chaud, on attendra septembre.
80° N : on passe la ligne !
Par Marc à 14:34 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
Je vous jure qu’on a bien regardé, et pourtant on a rien vu. Pas vu le moindre trait, même pas un traitillé… Il faut dire que le brouillard régnait en maître sur cet océan arctique figé et lisse comme un miroir.
Heureusement que le GPS a fini par donner son verdict. 80°00’000 N et 13°19’034 E.
Mais caramba, la photo est floue. Il nous a donc fallu repasser la ligne (toujours invisible !) pour immortaliser l’événement sur la pellicule !
N’empêche que l’émotion est bien là. A moins de 10° du pôle !
Et c’est à ce moment qu’on constate (juré que c’est vrai) que le loch indique 5000 milles depuis la mise à l’eau de Chamade !
80° Nord et 5000 milles, ce 2 août restera doublement historique !
Un passage symbolique, mais un beau passage, arrosé d’un verre de Talisker, histoire de réchauffer le cœur et les pieds du barreur !
Désormais Chamade fait du sud. Ce n’est pas encore les tropiques, mais c’est un tournant, certainement pas la fin de l’histoire !
Silence on tourne
Par Marc à 08:05 :: 2008 Spitsberg 2ème partie – Tromsö
« Paré à virer… on vire »
Ça souffle à 20 nœuds dans le goulet qui sépare l’île de Blomstrand et le glacier du même nom. C’est maintenant le 4ème bord aller-retour sur moins d’un mille. Ce n’est pas qu’on hésite… non…c’est qu’on tourne.
A terre Olivier le réalisateur et Boy le preneur de son nous font part par VHF de leur désir : un plan du bateau sous voile passant devant le glacier.
A bord, on a pris un ris et enroulé de deux tours le génois… Ca souffle et il faut manœuvrer vite dans ce passage étroit. Mais sûr qu’avec ce soleil la prise sera magnifique.
« Ok, c’est parfait, on coupe… »
C’est désormais le rituel depuis l’arrivée d’Yvan, greffé du rein et de son frère André, donneur vivant. Un rituel d’une semaine pour transmettre un seul message : « LE DON D’ORGANE, C’EST LA VIE ! »
Et comment mieux le démontrer qu’ici, dans cette terre d’aventure.
Montrer cette nouvelle vie offerte à Yvan, loin des centres de dialyse qui ont rythmé sa vie durant 10 ans.
Ici, à 79° nord, loin de tout, dans la solitude du Spitsberg Yvan et André prennent leur pied. Observation d’animaux, marche sur les glaciers, sommets et rencontre incroyable… c’est l’aventure qui coule dans les veines d’Yvan… et là pas besoin de purifier son sang…
Yvan qui vit, qui revit…
Ce sera à découvrir en première le samedi 13 septembre au CHUV à Lausanne.