31 juillet 2008
Opération Chamade…suite
Par Marc à 07:53 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
(Par Yvan)
Ny-Alesund 78°56 N retrouvaille avec Chamade, retour inéluctable à notre partage écossais et espérance d’une alchimie renouvelée pour une découverte commune d’une partie secrète de notre Univers, le Spitzberg.
Au-delà des mots, c’est au fond de moi que j’éprouve l’étourdissant silence des glaciers, l’âpreté des contours du paysage, la chaleur bridée de l’Astre. Sur cette terre malmenée par la glace, la neige et le vent, mes pas sont accueillis par un parterre moussu aux couleurs discrètes, une flore, battante, qui chaque été laisse s’égayer sur un fond marron les roses, les oranges, les jaunes pâles et les blancs de ses fleurs et par un monde d’oiseaux virevoltants dont les vols au raz de l’écume attestent de leur union aux Eléments.
J’ai intimement profité de l’hospitalité de cette terre du Svalbard. J’y suis son invité dans un lien entre Nature et Humain.
Au-delà de toutes mes espérances, Marc, Sylvie vous m’avez offert, à bord de Chamade, un Nord de rêve. Pour tout le dit et le non-dit, Merci.
Le glaçon s’invite, l’équipage trinque
Par Marc à 07:50 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
Un très gros craquement, un bruit de verre brisé et un réveil brutal… avec l’impression de baigner dans un verre d’eau gazeuse…
Il est 3 heures du matin à Signehamna, le vent s’est renforcé à 20 nœuds et a tourné au nord-ouest : la glace s’invite dans le mouillage. Pas des icebergs dignes du Titanic, ils ne pourraient d’ailleurs pas venir jusqu’ici, puisque la petite baie est protégée par un seuil à 3m de profondeur.
Mais celui qui nous rend visite est tout de même de bonne taille : deux mètres sur trois. Il doit bien peser une à deux tonnes. L’abordage se fait à la vitesse de sa dérive, mais vu la masse et la résonance d’une coque en alu, ça réveille !
Le bruit d’eau minérale ? Celui des milliers de bulles d’air coincées dans la glace et qui éclatent alors que le glaçon fond dans l’eau de mer.
Par le hublot on voit déjà ses copains qui se pointent un peu plus loin, poussés par le vent… On est juste sur le parcours… on lève l’ancre et on va mouiller un peu plus loin à l’abri d’une pointe rocheuse.
C’est la règle ici au Spitsberg où beaucoup de mouillages sont proches des glaciers et de leurs séracs qui s’écroulent continuellement dans la mer. Entre le jeu de courants pas toujours bien compréhensibles et la rotation des vents souvent très rapides, il faut être prêt à lever le camp à n’importe quel moment. Pas de quoi toutefois nous obliger à instaurer des quarts de veille la nuit… mais plus gênant quand il s’agit de partir en ballade à terre.
L’autre danger dû à la glace… c’est la vague.
Celle créée par l’effondrement des plus gros séracs… Pas de problème tant qu’il y a de l’eau et si l’on reste à plus de cent ou deux cents mètres du front glaciaire. La vague, contenue par la glace flottante n’est qu’une grosse ondulation. Mais sur les bords de la baie, dès que les fonds diminuent, elle se transforme en déferlante spectaculaire. Comme dans le mouillage du « Glacier du 14 juillet » dans le Krossfjord, où Chamade mouillé derrière une langue de moraine s’est offert une belle ruade sur une vague qui commença à déferler à peine cinquante mètres plus loin sur des fonds de trois mètres.
La morale de l’histoire : Il faut garder de la marge… beaucoup de marge.
L’angoisse du lagopède.
Par Marc à 07:47 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
(Par Yvan)
Je suis tapie dans la toundra, à l’abri du vent, entre trois pierres. Entre les plumes de mon poitrail s’agitent mes nouveau-nés. Hier du diamant de la pointe de leur bec, leur coquille ils ont cassé. La prudence est de mise, le renard polaire, à l’affût des odeurs et des mouvements, rôde aux alentours. Mais quel est donc ce tremblement qui se rapproche, ils sont plusieurs à fondre sur moi. Technique camouflage, je ne bouge plus, je rentre ma tête, je fais confiance à mon plumage…le premier passe, le deuxième aussi mais là c’en est trop ils vont m’écraser !
– « Yvan, à quel oiseau appartient cette plume ? » demande Sylvie
– « à un … ATTENTION, tu vas marcher sur un lagopède. »
L’oiseau est là, entre nos pieds, nous nous éloignons de quelques pas et observons le spectacle. D’oiseau furtif en dehors de cette période, son instinct de mère la pousse à protéger sa couvée au péril d’être écrasée.
Belle rencontre, j’espère que tes poussins profiteront à leur tour des étendues sauvages de Blomstrand au nez et aux moustaches du renard polaire.
Miam miam Mia
Par Marc à 08:14 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
(Par Sylvie)
C’est ce jour là, en fin d’après-midi qu’elle nous est apparue. Nous revenions d’une promenade magique sur le glacier du Wahlebreen. Posé sur notre dinghy, un petit billet en anglais signé Mia : «Vous avez un beau bateau. Nous avons tiré un phoque barbu hier, mais nous ne pouvons pas consommer toute cette viande à nous quatre. Si vous êtes intéressés, nous sommes dans le campement de l’autre côté de la baie. C’est trop délicieux pour ne pas être partagé ».
Avant même d’avoir pu embarquer, nous avons vu foncer sur nous, un kayak. En trois coups de pagaie, Mia était là. Une sorte de sirène, sortie de la mer, avec son kayak en guise de jambes, ses cheveux blonds, ses grands yeux bleus, son sourire angélique, sa voix mélodieuse…et son morceau de bidoche bien au sec dans un sac étanche.
Moins d’un quart d’heure plus tard, sur la jupe arrière de Chamade, l’amazone blonde, le couteau bien assuré, découpait de ses blanches mains la chair ferme et sanguinolente de notre repas du soir. «Vous allez me prendre pour une barbare » dit elle, en suggérant la meilleure façon d’accommoder le phoque.
Mais non Mia, les cinq mâles de l’actuel équipage de Chamade se pâment encore en évoquant votre « incroyable » charme. Ils ont les yeux qui brillent rien qu’à évoquer votre nom et savoure votre phoque barbu comme si c’était vous qu’ils dégustaient.
PS. Pour les amis des animaux : le phoque n’est pas en voie de disparition au Spitsberg et moyennant un permis, sa chasse est autorisée.
Stéréo polaire
Par Marc à 08:08 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
(Par Sylvie)
Petite grimpe à travers les moraines, la caillasse et le tapis moelleux des lichens où quelques touffes de fleurs s’entêtent à pousser. Il est une heure du matin, le ciel est bleu, la lumière un peu plus condensée et chaude que la journée. En bas, là bas, Chamade est un tout petit navire qui balance son mât dans son refuge de rochers.
Derrière la cime, c’est le coup de poing dans l’estomac : L’immensité blanche, la démesure de deux glaciers qui déboulent de nulle part et viennent confluer à nos pieds. De notre promontoire nous pouvons assister à un surprenant concerto de percussions en stéréo. Grondement à gauche : le Konowbreen, vomit ses entrailles. Elles s’échappent par une voûte creusée dans la glace et se répandent dans le fjord provoquant une grosse vague de pack qui se propage en ondes concentriques jusqu’aux rives.
Grenaille à droite, le large front buriné de l’Osbornebreen s’effrite en une pluie de glace qui crépite sur l’eau. Les glaciers jouent leur partition et se répondent. Chacun sa gamme, chacun son tempo, chacun son interprétation d’une vie millénaire quand vient la fonte des glaces.
Paraît qu’à quelques kilomètres le Comfortlessbreen est entré en surge. Cela veut dire qu’il va se payer une belle partie de toboggan et glisser tout entier sur le lit d’eau qui s’est formé par le poids de la glace. Il va glisser et avancer, sans doute, comme les glaciers plats qui ont surgé avant lui de plusieurs centaines de mètres, voire de 4 kilomètres en 6 mois. Encore un phénomène typiquement spitsberguien.
Vol de jour
Par Marc à 07:44 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
(Par André)
Quelle est la couleur de vos songes ? Le mien commence en gris, avant les rêves. Emerge alors des limbes une image d’avant-guerre. Un Saint-Ex blond tripote des boutons devant un cockpit à peine transparent. De l’autre côté du couloir gît un galimatias d’objets hétéroclites d’où je ne serais surpris de voir sortir un bestiaire de plumes, de poils soyeux, de cuir dur, de dents longues comme des sabres…
Soudain à mes pieds surgit l’éternité, âpre, belle, ineffable. L’avion disparaît comme bulle de savon et l’air froid s’engouffre en moi.
Resurgit de ma mémoire cette sensation enfouie de la première nuit sous les étoiles où j’ai englouti corps et esprit dans l’espace intersidéral.
Cette fois-ci, mon corps s’étale jusqu’aux horizons avant de se dissoudre en fines gouttelettes. Apparaît Marc souriant qui nous accueille à bras ouvert.
Sa vue transgresse ma Morphée et comme un sablier géant les grains de sable à l’odeur de tourbe s’écoulent en moi. En tombant ils murmurent une phrase descendue du Groenland voisin que je n’oublierai pas : « entre le ciel et la terre, il n’y a pas que de l’air » (J. Riel)
Tintin au Spitsberg
Par Marc à 21:29 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
(Par Jonathan)
« On se croirait en Valais », disent certains ; « dans les plateaux andains », disent d’autres ; « sur l’étoile mystérieuse de Tintin », osent les plus imaginatifs. La description du paysage du Spitsberg est à la mesure du dépaysement qu’il procure. Il faut le voir pour le croire, cela n’a jamais été aussi vrai que sur cette terre où l’on imagine aisément le Yéti prêt à sortir de derrière n’importe quel rocher ou plus probablement un ours blanc.
Selon mes réflexions primaires de jeune homme du 21ème siècle enfermé dans son confort et sa routine journaliers, le fait d’aller passer son été sur un voilier au Spitsberg s’avérait pur masochisme : nuit inexistante, des températures chatouillant les zéro degrés sans même culpabiliser, pour maison un nid flottant de 20 m2 à partager entre 5 personnes et un soleil se faisant désirer autant que les lèvres de Marilyn Monroe. Et, guidé par mon incompréhension totale, l’envie de demander « pourquoi ? » à ceux, ces extra-terrestres, qui ont choisi cette destination pour station balnéaire et qui, défiant les lois de la raison, ont même entrepris de me convaincre à les rejoindre.
Pourtant, porté par une curiosité acérée et pincée de goût d’aventure, je décidai de remettre mes certitudes en jeu et d’accepter l’invitation. Puis, une fois arrivé sur cette terre surprenante au terme d’un voyage digne d’un Christophe Colomb moderne, j’ai vu mon scepticisme voler en éclats. Oubliant ces conditions pour le moins particulières, je me trouve le souffle coupé devant la majesté du Spitzberg : des paysages époustouflants, une vie animale prenant le pas sur toute trace de vie humaine, de toutes part des glaciers martelant la puissance de la nature, un temps suspendu à un silence étonnant et bien d’autres secrets que je n’aurais jamais imaginé que ma planète eût pu renfermer.
Au sortir de ce périple, je ne peux que remercier les extra-terrestres de m’avoir entraîné dans leur aventure, de m’avoir permis de découvrir un spectacle que bien peu auront la chance de découvrir une fois dans leur vie. Je m’en retourne à ma vie urbaine des rêves et des images plein la tête, mon esprit revenu à contrecœur d’une évasion nordique infinie, nommée Spitsberg.
Ny London ou les illusions perdues d’Ernest Mansfield
Par Marc à 08:05 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
C’est l’histoire d’un homme qui voulait transformer de la pierre en or.
En 1912 il débarquait sur l’ìle de Blomstrand, dans la baie du Roi juste en face de l’endroit où en 1916 la Kings Bay Kull Kompani allait créer la mine de charbon de Ny-Alesund, devenue aujourd’hui une station de recherche scientifique et par la même occasion le lieu habité le plus nord du monde (79° Nord).
Mais ce n’est pas du charbon qu’avait repéré Ernest Mansfield, mais des veines de marbre. D’immenses veines de marbres laissées au grand jour par le retrait du glacier de Blomstrand.
On l’imagine facilement devant ces étendues de pierres… Les livres Sterling devaient lui danser devant les yeux.
Ni une ni deux, l’homme décidait d’installer une carrière, là au bout du monde. 4 maisonnettes, des rails pour rouler les wagonnets, des grues sur les rochers dominants la baie, des machines…
Le temps d’installer tout ça et d’attaquer la roche, de la tailler, de la stocker, de la charger sur un navire… 3 années avaient passé. 3 années de dépenses, d’investissements…
« Vous allez voir ce que vous allez voir…. »
Restait plus qu’à toucher les dividendes dès l’arrivée du navire sur les quais de Londres…
Mais le Spitsberg, on le sait, est imprévisible… Voilà pas qu’arrivé sous les latitudes britanniques, le marbre commença à s’effriter, à partir pratiquement en poussière.
Fragile, beaucoup trop fragile… Fragilisé par le froid, le permafrost, les micro-bulles de glaces contenues au cœur de la pierre.
Le rêve était parti en poussière… et Ny London pouvait entrer dans la légende rouillée du Spitsberg.
Quand à Mansfield, qu’est-il devenu ? Y-a-t-il englouti toute sa fortune ? Impossible ici de le savoir. Mais sur Internet vous devriez pouvoir trouver. Le concours est ouvert. A vous de jouer les wikipedia. Réponse via e-mail sur « chamade@sunrise.ch » On ne manquera pas de publier la réponse sitôt le contact internet rétabli fin août.
Triste mais belle histoire… belle illustration du risque industriel, de l’esprit pionnier.
On oublie souvent ceux qui investirent leur fortune dans des projets grandioses au tournant du 19ème siècle. Certains sont devenus rois du pétrole, d’autres y ont englouti leurs rêves.
Comme le rêve d’Ernest Mansfield, figé à jamais par le froid dans ces confins perdus du Grand Nord.
Le blog d’Elena: Une dose de Chamade, une dose de plaisir
Par Marc à 08:00 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
(Par Elena)
Me revoilà à bord de Chamade, une année après le voyage en Ecosse durant lequel, avec Sandra, nous avons participé à la réalisation d’une émission pour la RSR (Un dromadaire sur l’épaule), à la fois récit de voyage et témoignage de notre vécu de transplantées cardiaques, dans la cadre de la journée nationale pour le don d’organe. Cette année pas de micros, puisque le relais est pris par Yvan et André. J’ai simplement la chance de revenir à bord avec Sylvie et son fils Jonathan, Marc et sa fille Marine. Avec eux je me fonds dans un rythme de vie dicté par les conditions météo changeantes. Les premiers jours la pluie, le vent, le brouillard. On s’y adapte, on s’ennuie parfois, mais de cet ennui là il me semble en avoir besoin. Il laisse la place à l’intériorisation, à la réflexion, et aussi parfois à une meilleure communication, loin de la vitesse d’un quotidien régit par la valorisation des agendas les mieux remplies.
Puis le soleil vient… et aussi l’envie d’extérieur, de bouger. Le 16 juillet, nous avons le plaisir de vivre trois journées en une seule.
16 juillet minuit, il fait beau, on part la voile depuis l’Ile Prinz Karl pour entrer dans St JonsFjord. Pendant la traversée on prépare en cachette un gâteau au chocolat pour fêter les 20 ans de Jonathan. Dès notre arrivé au mouillage à 3 h (du matin évidemment) c’est la petite fête sur le pont de Chamade: Champagne, gâteau, bougies, crème solaire et lunettes de soleil. Je me dis que j’aurais aimé fêter mes 20 ans ainsi.
16 juillet 9h00. Après une courte « nuit » on part en ballade. Notre destination sera de l’avis général nommée Pointe Chamade, puisque nous avons l’impression d’être les premiers à monter sur ce petit sommet. De retour sur le bateau, difficile de s’arrêter. On repart visiter deux glaciers, on se promène en dinghy au milieu de petits et de grands glaçons.
16 juillet 21h00. Je me dis que il n’y a pas mieux qu’un bon dîner chaud. (Je me dis aussi que le blog de Chamade pourrait aussi proposer les recettes de cuisine de bord, car sur Chamade on mange bien). Je commence aussi sentir un peu de fatigue… mais… (nous dit Marc) le sommet juste à côté, d’où l’on soupçonne une magnifique vue sur deux glaciers mérite de détour, « faut pas le louper, surtout à minuit ! »
Et alors nous revoilà rechaussant nos chaussures de marche. La vue en haut est en effet grandiose et émouvante.
Nous voilà à la fin de 24h en plein soleil.
Un peu frénétique tout ça non ?
Oui, mais aucun sentiment d’agitation. Juste le plaisir d’être là où on est.
Les forçats du beau temps
Par Marc à 21:28 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
Il fait beau… beau depuis 36 heures…
C’est arrivé comme ça, mardi soir vers 23 heures… C’est vrai qu’on le sentait depuis quelques heures : des déchirures, des trouées, une lumière plus vive là-bas vers l’est…
Et soudain… grand bleu, juste avant minuit, avec tout de suite cette lumière incomparable, unique, des nuits blanches polaires.
Alors quand il fait beau… il faut en profiter.
A minuit, on lève l’ancre direction St Jonfjord. Et on hisse les voiles ! La brise est parfaite, grand-voile et génois, le bateau file, vent de travers, à 6 nœuds. Splendide !
2 heures et demi du matin, l’ancre tombe au fond du fjord au pied du Lövelibreen (glacier du Lövely). Sur le pont avant, le champagne est sorti, le gâteau d’anniversaire aussi, Jonathan fête ses 20 ans par 79° Nord !
4 heures du matin, tout le monde au lit, même si c’est difficile de se décider à aller dormir par une lumière pareille.
10 heures du matin : réveil général et bientôt départ pour la « Pointe Chamade » (330m), petite pointe repérée sur les contreforts du Gunnar Knudsen Fjella. 2 heures de marche sur de longues moraines pour atteindre cette pointe où assurément personne n’a dû encore mettre le pied. Nous dressons un cairn pour marquer cette première historique !
Même les animaux sont de la partie, un couple de lagopèdes et un renne qui broute paisiblement les maigres prairies de lichens.
Puis redescente par l’autre flan et retour par le glacier du Löveli, grand toboggan lisse, glacé mais sans crevasses vu la douceur et l’uniformité de la pente.
16 heures, Chamade se glisse au pied du glacier de Konow, saluant au passage un phoque qui finira par plonger de son perchoir glacé. Plus loin un de ses congénères ahane pour grimper sur son glaçon.
23 heures : le soleil de minuit s’annonce grandiose ! Le dinghy est à l’eau et nous débarquons pour grimper sur les contreforts du Valentin Ryggen jusqu’à une épaule à 280 mètres d’altitude. A gauche le Konowbreen qui se jette dans la mer, à droite l’Osbornebreen qui fait de même. 2 immenses fronts glaciaires avec derrière à chaque fois d’immenses glaciers… C’est Aletsch à chaque coin de rocher !
A 2 heures 30, on se couche… eh oui, même sur Chamade par beau temps on finit par succomber au sommeil !
Spleen
Par Marc à 07:56 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
Gris, pluie, brouillard… toujours et encore… Quand on sait ce qui se cache derrière… on ne peut que rager ou déprimer.
Vont-ils pouvoir apercevoir tout cela… jouir de cette lumière unique de minuit, mesurer l’étendue des glaciers, voir le bleu des glaçons scintiller dans le soleil ?
Bref juste subir ce choc que tous ceux qui sont passés par là ont ressenti…
Cette émotion qu’on peut apercevoir ensuite dans les regards…
On ne revient jamais indemne du Grand Nord…
Pourvu qu’eux aussi puissent être touchés !
Changement volant
Par Marc à 07:54 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
Le titre donne bien la sensation vécue… Un vrai changement volant d’équipiers. De haut vol devrait-on dire.
Le vent de nord-ouest souffle fort sur Ny-Alesund et la baie est très mal protégée. Seul le quai en béton offre derrière son coude un petit abri précaire. Mais les vagues rendent l’approche plus que délicate. A la VHF, l’équipage du Morgenstjernen, le voilier du biennois Bjorn Kjelsberg, déjà abrité, nous donne quelques indications… C’est petit, mais il y aurait juste de quoi nous laisser entrer. Après répétition verbale des tâches de chacun on se lance… on entre en force pour rester manoeuvrant, arrière toute à ras du quai et hop 4 amarres… Ouf on y est..
René, Claude et Eric peuvent débarquer et attraper l’avion… (qui, heureusement, peut encore juste voler)
Avion par lequel arrive Elena, Marine et Jonathan… sous une pluie battante… drôle d’accueil ! La jeunesse embarque…. Mi curieuse… mi dubitative… Bienvenue quand même!
Féerie totale par 79° Nord
Par Marc à 22:41 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
Réveil par un soleil éclatant. Plus trace de brouillard. On débarque sur la plage avec les skis. On a repéré sur la carte un sommet qui devrait nous donner un beau point de vue sur la région : le Gertrautoppen qui culmine à 760 mètres d’altitude.
Montée tranquille par un soleil chaud et arrivée sur la crête sommitale. Là. Ça vous prend aux tripes. C’est sublime ! 800 mètres plus bas, le front du glacier du Smeeerenburg s’étale dans la mer. Un front immense, plus de 4 kilomètres de large et près de 70 de haut. Devant des centaines de mini iceberg, fruit du lent effondrement des séracs dans la mer. Et des couleurs incroyables : du bleu profond, du turquoise, du jade, du beige. La mer et le limon jouent de l’acquarelle.
Et comme dessert une superbe descente. La neige est molle, transformée, mais parfaitement skiable. Un grand, un tout grand moment, et sans doute une fois de plus une première !
Il ne restait plus qu’à se glisser à la voile au pied du glacier, ce qui fut fait quelques minutes plus tard.
Le brouillard règne en maître sur la Madeleine.
Par Marc à 22:40 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
Journée de repos forcée ce jeudi. Tout est bouché, cotonneux. Le vent est tombé et le brouillard s’est refermé sur la baie de la Madeleine. Petite descente à terre pour visiter les tombes des baleiniers hollandais du 17ème siècle, venu chercher baleines et phoques, et donc fortune, mais qui ne trouvèrent que la mort.
La mort qui rode partout dans cette région, où les restes des stations baleinières de l’époque sont encore parfaitement visibles et strictement protégés par la loi, une obligation après les pillages de tombes des premiers visiteurs touristiques.
Ce n’est que vers 22 heures que le brouillard semblant se déchirer un peu. Nous mettons en route cap au nord pour le Smeerenburgfjord, qui la semaine dernière était encore totalement pris par les glaces.
La visibilité est médiocre, mais le paysage d’autant plus fantasmagorique. On se glisse au moteur dans le détroit de Dansköya , pour aller finalement jeter l’ancre dans l’anse de St Laurentius. Tout redevient cotonneux, le brouillard se referme… on va se coucher par 79 degrés 39 minutes de latitude nord.
Là où on en prend une morse
Par Marc à 22:37 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
(Par Sylvie)
Entre deux parties de ski, nous allons chatouiller les pieds des glaciers. Glissant, sur Chamade, à travers de fugaces sculptures de cristaux flottants, nous croisons parfois quelques phoques bronzant sur sa petite plage de glaçon à la dérive.
Nous sommes allés également présenter nos hommages à une colonie de morses amorphes, affalés les uns sur les autres, sur un bout de grève bien imprégné de leurs effluves. Nos charmants hôtes ont à peine daigné lever la tête à notre approche. Leur vie de morses – protégés par le gouvernement norvégien – se résume à bouffer, dormir et se baigner – pour bouffer-. Autant dire que les questions métaphysiques qui doivent pas trop les travailler, même lorsqu’ils voient débarquer des milliers de bipèdes, harnachés à leurs appareils photos.
Un salut au Prince Charles
Par Marc à 22:36 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
Faire du ski sur cette côte nord-ouest du Spitsberg, c’est retrouver les sensations des premiers exporateurs. Inutile de chercher les topos-guides ou les récits des prédécesseurs. Il y a peu de chance de se tromper en affirmant qu’on fait à chaque fois une première.
C’est d’abord la lecture attentive de la carte, d’évaluer les distances et les pentes qui pourraient être favorables. Jouer ensuite avec le vent pour trouver le mouillage qui permet de laisser le bateau.
Ce matin c’est sur Prins Karl Forland, l’île du Prince Charles qu’on jette notre dévolu et par la même occasion l’ancre. Ici les terres portent souvent le nom des rois et princes du 19ème siècle, qui financèrent les expéditions polaires. Haakon, Albert Premier, Prins Karl etc…
L‘objectif du jour : le Kamtinden, 592 mètres d’altitude. D’apparence facile et proche, mais depuis la mer, on peine à deviner ce qui se cache derrière les moraines. D’où les tours et détours nécessaires au départ avant d’attaquer les pentes enneigées plus régulières.
« Carnet mondain »
Par Marc à 22:35 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
(Par Sylvie)
Escale chez Hans, le trappeur et sa femme Gertrude qui vivent isolés, avec leurs deux enfants et leur douzaine de chiens polaires à Farm hamna : une bande de terre désolée à mille milles de tout lieu habités. Hans est Danois, il chasse et sèche le phoque. Il fait aussi des missions de reconnaissances pour l’institut polaire norvégien. Gertrude est une Norvégienne de Tromsö, universitaire et diplômée en physiothérapie. Elle parle l’anglais fluently Pourquoi ont-ils choisi cette vie autarcique et austère, au milieu d’une nature hostile ? Ils renvoient aussitôt la question : « Pourquoi avez-vous choisi de vivre dans un milieu urbain, bruyant et pollué » ? Encore une année à jouer la famille Davy Croquet et il faudra se résoudre à renouer avec la vie « urbaine » de Longyearbyen. Scolarisation (et socialisation) des enfants oblige. En attendant c’est Gertrude qui fait la maîtresse d’école.
On repart songeurs, face à ce stoïcisme jouissif – presque mystique – qui peut pousser des gens à trouver leur liberté dans un isoloir, certes illimité, mais un isoloir tout de même. A chacun son plaisir…
Monaco pris par les glaces
Par Marc à 22:29 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
Oublions le réchauffement climatique et les observations hasardeuses sur quelques jours, pour juste constater les faits : Le Monacobreen, le glacier de Monaco, là-haut, tout au nord du Spitsberg, celui qu’on voulait atteindre cette semaine, le Monaco est pris par les glaces. Comme tout l’ensemble du nord du Spitsberg. Le résultat des ces semaines de vent de nord qui ont poussé l’ensemble de la banquise polaire contre l’archipel. Pas inhabituel, mais rare depuis quelques années où généralement dès mi-juin la zone était libre de glace.
Alors tant pis pour les projets de ski sur Monaco, on s’adapte et change d’objectif, c’est la clef du succès et la règle dans cette région.
Claude et Eric, ainsi que René Corompt, guide de montagne, mon Pygmalion du Spitsberg il y a maintenant 8 ans, sont à bord. 5 paires de ski ont rejoint aussi Chamade qui devient bien encombré. On met le cap sur Trygghamna, histoire de saluer les morses, mais aussi d’aller tâter le Daudmannen de la spatule.
Départ de la plage, 775 mètres de dénivellation, et surtout un vent ahurissant au sommet. Il doit bien atteindre 100 km/h… on tient à peine debout. Vue évidemment superbe, avec tout en bas, minuscule au mouillage, Chamade qui tire sur sa chaîne.
DHL Norway…. No way
Par Marc à 12:21 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
18 juin en mer… rupture du convertisseur serie-usb pour l’ordinateur de bord. Une panne pas gravissime, mais qui ne facilite pas la navigation et le positionnement du bateau sur la carte, le programme Maxsea ne recevant plus d’info.
J’envoie donc un mail par le téléphone satellite Iridium à Mirko en Suisse. La procédure se met immédiatement en place, Yann Lefillastre de chez Pochon à la Rochelle s’en occupe et le 19 juin le paquet quitte Nantes par DHL. Ca coûte un max mais on se dit que ça sera rapide.
Le 20 juin le paquet est à Oslo, mais subitement bloqué par les douanes. Peut-être craignent-ils que ce soit une pièce pour la bomba atomique iranienne. Je ne sais. Côté DHL pas de réaction. Le 23, n’ayant rien reçu, premier téléphone à DHL Norway pour savoir ce qui se passe. On me garantit que tout va aller t¨ès vite. Le 24, toujours rien, mais chez DHL on me dit que c’est bon que le paquet a quitté les douanes et qu’il est à l’aéroport. Le 25 rien.. le 26 rien. Nouveau téléphone… DHL dit que il vont tout faire pour le mettre encore à l’avion de la nuit.
Le vendredi 27 rien.. DHL au téléphone dit alors que oui, le paquet est à l’aéroport mais qu’il ne partira pas avant le lundi. Et le comble, c’est alors qu’il me disent qu’ils ne le livreront pas « poste restante », qu’il faudra aller le chercher personnellement à l’aéroport. Alors qu’on ne sera plus là…
Résultat on repart de Longyear sans la pièce, on demande qu’il renvoie tout en France et on recevra la pièce par le prochain changement d’équipier tout simplement.
Et lorsque j’en parle à l’officier du port, il me dit. Oh! il y a longtemps qu’on utilise plus DHL en Norvège. Ca ne marche jamais.. il y a toujours des problèmes..
Un marin averti…
Bref DHL No Way!
Voir Longyearbyen et…
Par Marc à 13:12 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
(Sylvie)
Arrivée à Longyearbyen (capitale du Spitsberg: 1500 habitants). Sorte de village du far-west sortie de terre, au milieu de nulle part. Ca ressemble à un vaste chantier avec ses containers ou bâtiments en bois sur pilotis que l’on a coloré d’ocre de bleu marine, ou de rouge foncé pour en atténuer la laideur, dans ce paysage montagneux qui porte encore toutes les stigmates de l’exploitation minière. Aujourd’hui, une seule mine de charbon est encore exploitée et Longyaerbyen vit aussi, en bonne partie de l’industrie touristique qui se développe (expéditions dans le grand nord).
Au « centre ville » une petite place, assez coquette a été aménagée, autour de laquelle s’agglutinent le supermarché, les commerces de tourisme, la bibliothèque municipale et quelques bistrots. Tout autour des parkings de motos-neige (au chômage en cette saison), l’université (centre de recherche polaire), une zone industrielle, un port – où nous avons vu embarquer sur leur brise-glace, le couple royal de Suède – et une plage où toute la population est venue fêter, hier 21 juin, le jour le plus long de l’année, autour d’un gigantesque flambée.
(Marc)
Je ne sais pas si c’est l’ingénieur qui sommeille en moi… mais Longyearbyen ça me fascine. Etrange bourgade, moche, surtout en été où la neige ne cache pas le gris-noir de la terre. Mais l’affaire n’est pas esthétique… elle se vit au feeling…
Ce sont d’abord ces pylônes qui parsèment la ville, les reste d’une sorte de gigantesque télécabine, ou plutôt de télégodets qui transportaient le charbon des mines accrochées à flan de montagne jusqu’au port charbonnier. Un réseau resté en l’état, abandonné et rouillé avec comme symbole une sorte d’énorme station de triage. Intouchable, classé monument historique, témoin figé des ambitions de l’homme à extraire des richesses de cette contrée désolée.
Ce sont ensuite les maisons, toutes sur pilotis. Posées sur le sol, elle feraient fondre le permafrost et s’enfonceraient pour un naufrage dans le sol devenu mouvant.
Ce sont aussi les motoneiges, parquées l’été sur des palettes de bois attendant l’hiver et la neige pour redevenir les reines des lieux, synonymes de libertés et de grands espaces. (En été impossible de quitter les quelques kilomètres de route existants)
C’est aussi ces panneaux interdisant d’entrer dans les maisons avec une arme. Ou encore le casier à fusil à l’entrée de l’hôtel Radisson. C’est qu’ici, se promener fusil en bandoulière est courant, les ours sont un danger réel dès qu’on sort de ville.
Bref c’est moche, ça n’a rien pour plaire, c’est ingrat et pourtant ça me parle…
Encore un mystère du Grand Nord
Serguei, Vladimir Boris et les autres
Par Marc à 14:52 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
(Par Sylvie)
Face aux cimes immaculées du Grönfjord, il y a les corons de Barentsburg : Blanc à l’ouest, noir à l’est, raccourci de l’histoire des deux mondes qui aujourd’hui encore cohabitent – ou plutôt coexistent – dans l’Isfjord.
Barentsburg, c’est un de ces petits morceaux en perdition de l’empire soviétique. Une colonie de travailleurs implantée au début du 20ème siècle, autour des mines de charbon, autosuffisante et entièrement entretenue par Moscou.
Il faut entendre le guide de la ville, vanter fièrement aux touristes, la piscine olympique de Barentsburg,(la plus au nord du monde), sa bibliothèque très fournie, son centre culturel et son auditorium de 500 places. Que toute la population aille au concert et le parterre serait encore clairsemé. Parce que Barentsburg ne compte plus aujourd’hui que 300 à 350 âmes. Âmes sombres comme l’or noir qui les fait vivre, âmes à festoyer pour noyer le spleen qui les habite.
Nous voilà avec Serguei, Boris l’ukrainien, Vladimir et les autres, autour d’une barbecue, d’une vodka et d’un whisky de leur fabrication (ce qui laisse des traces). Nous fêtons l’amitié des peuples à grands cris et à coups de tapes dans le dos, seul moyen que nous avons de fraterniser dans une langue qui nous est commune. Après forces gestes et quelques mots lâchés dans un esperanto approximatif, je comprends que Vladimir est là depuis neuf ans, seul. Sa femme et ses enfants sont partis depuis six ans travailler en Norvège. Là où les montagnes sont blanches.
La banquise qui rend fou
Par Marc à 14:49 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
(Par Sylvie)
Arrimés à la banquise, bien au chaud dans le ventre de Chamade, nous les avons même entendu chanter, les baleines. Une drôle de complainte ultrasonique. A moins qu’il s’agisse du chant cristallin de quelques sirènes d’iceberg.
La banquise a le don de rendre fou, non pas les ours blancs qui y trouvent leur pitance, mais Marc. Le jour de son anniversaire, il a posé le pied dessus comme Armstrong sur la lune. Un spectacle carrément lou-phoque que les principaux intéressés ont pu apprécier à sa juste valeur.
Voyant débarquer Spidermann en personne, dans sa combinaison étanche rouge et bleue pétants, quelques spécimens ont risqué un bout de moustache hors de l’eau. Un coup d’œil dédaigneux et les voilà replongés dans les profondeurs de leurs eaux glaciales, démontant ainsi que le phoque n’est pas bon public ou alors qu’il n’a aucune mansuétude pour l’espèce humaine.
On a marché sur la banquise !
Par Marc à 14:46 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
Voilà c’est fait… on a trouvé une banquise solide… on a même pu y amarrer Chamade et débarquer.
Et cela à Ymerbukta, là même où il y a 4 ans le « Lance », le brise-glace de l’Institut polaire norvégien me déposait un 4 juin pour ma traversée solitaire à ski du nord du Spitsberg.
Nous sommes aujourd’hui le 20, le jour même de mes 55 ans : le cadeau est royal.
« Un petit pas pour le Spitsberg, mais un grand pas pour mon humanité ! »
Chamade amarré à la banquise…
C’est un rêve, un vieux rêve mais un vrai rêve qui soudain se réalise !
Bon d’accord, 4 ans après et fin juin la glace est bien moins épaisse (réchauffement climatique ?)
C’est donc vêtu d’une combinaison de survie qu’on arpente la banquise autour de Chamade, sous le regard dubitatif d’un phoque qui se demande bien qui sont ces martiens
Comment raconter le Spitsberg ?
Par Marc à 14:43 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
(Par Sylvie)
En fait ça ne se raconte pas, ça se vit -du dehors et du dedans -, ça se vibre, ça se tait et ça s’écoute respirer.
La traversée a été dure, chaotique et chahutée ? C’est que le Spitsberg, ça se mérite. Une fois arrivé tu en prends tellement plein les mirettes, de blancs de bleus, de gris, d’éclats de soleil, de sommets encore vêtus de peaux de léopard neigeuses, de glaciers, de banquises et de plages qui s’éternisent.
Tu planes avec les oiseaux. Tu te ballades dans ton livre d’images avec les rennes, les phoques à moustache ou les morses adipeux… en attendant d’apercevoir l’ours blanc. Tout ça dans un monde de silence, hors d’atteinte, hors de la réalité, hors du temps.
Le jour 24h sur 24. Ici, plus aucun repère temporel.
Hier encore, tu étais esclave de la montre. Tu redeviens maître du temps. Tu te le tricotes sur mesure, tu le diminues, tu le rallonges, tu l’arrêtes même où ça te chante, histoire de dormir un peu. Tu lui imprimes ta cadence intérieure et tu l’envoies se faire voir chez les morses s’il s’avise de te rappeler qu’il existe. Parce qu’en réalité, ici, le temps, n’existe plus.
Mais où est donc passée la banquise
Par Marc à 14:36 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
Le fusil est sorti de la cale ce matin pour notre première descente à terre. Cette fois-ci c’est du sérieux, gare aux ours, et pas question de descendre sans protection.
Pour chaque débarquement nous prenons donc le fusil comme recours ultime, un stylo lance-fusée pour effrayer la bête dans un premier temps, et une combinaison de survie en eau froide, histoire de pouvoir regagner le bord si par malheur un ours faisait joujou avec le dinghy. (Il y en a un de rechange à bord).
Evidemment ça complique la logistique, mais par ici c’est le prix à payer !
Première balade à « Fleur de Lys Hamna » une ancienne station baleinière.
Puis nous filons au moteur vers le nord du Van Mijenfjord. Un fjord barré sur pratiquement toute sa largeur par une longue île. Protégé ainsi de la houle, il reste habituellement gelé jusqu’à mi-juillet au moins. Sauf cette année où il est déjà dégelé sur presque la moitié de sa longueur. Réchauffement climatique ? Sans doute.
La banquise… on la trouve un peu plus loin, à « Fridtjovhamna » une anse au pied du glacier du même nom. Elle empêche d’ailleurs l’accès à la zone favorable au mouillage. Mais l’endroit est si protégé, si calme qu’on se glisse jusqu’à la glace, et qu’on y jette la petite ancre du dinghy. La glace ne fait qu’une dizaine de centimètre d’épaisseur, mais c’est déjà magique.
Et c’est si calme qu’on y resté amarré jusqu’au lendemain matin. Une douzaine d’heures mais qui suffiront à voir la glace reculer jusqu’à ce que l’ancre se retrouve libérée d’elle-même, nous obligeant à remettre en route.
Ça fait du bien quand ça s’arrête
Par Marc à 14:32 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
Et nous voilà au mouillage… A plat… Je souligne… « A plat »
Et ça fait du bien après la valse des 36 dernières heures.
Pourtant peu après Björnöya, le petit temps qui régnait nous avait fait penser qu’on avait trouvé la bonne fenêtre. On avait même entrevu le sud du Spitsberg, là-bas à près de 40 milles.
Et puis le vent est rentré. Nord-ouest, en plein dans l’axe. 15 nœuds, puis 20 puis 25, 30 noeuds par moment. 1 ris, 2 ris, trinquette puis finalement 3 ris pour remonter tant bien que mal dans le vent et surtout la mer bien formée avec toujours le Gulf Stream contre le vent.
Température extérieure : 2°
Merci le chauffage. Oui mais voilà, dans ce carrousel bondissant, c’est la valse dans les réservoirs et les désamorçages se succèdent. Sur les bords bâbord amure on arrive à réamorcer, mais sur les bords tribord c’est peine perdue. Résultat : un bord à se glacer, un bord à se réchauffer. Inutile de préciser qu’à l’intérieur à part se cramponner à la bannette, il n’y a rien d’autre à faire.
Et le beau soleil qui règne à l’extérieur n’y change rien.
Par le hublot, au loin, les sommets enneigés… c’est superbe, d’accord, mais on la trouve quand même un peu longuette.
Finalement ce dimanche après-midi on peut abattre enfin vers Bellsund et le temps de faire un petit détour pour tirer un bord devant le glacier de « La Recherche », on jette l’ancre à Van Keulenhamna.
Et il n’aura fallu que de 2 heures de spectacle splendide pour déjà presque tout oublier
Björnöya, l’île aux ours appartient aux oiseaux
Par Marc à 14:29 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
(Par Sylvie)
Les oiseaux marins, maîtres et seigneurs de l’île fondent en escadrilles des falaises qui nous entourent, amerrissent à grands cris, avant de reprendre leur envol par vagues qui ondulent dans le ciel comme un voile de tulle blanc, emporté par le vent.
Nous mettrons pied à terre, dans l’anse de Kvalrossbukta, sur cette île dont l’intérieur ressemble aux hauts plateaux andins, avec ses vastes plaines aux tons ocre de la toundra et ses montagnes encore enneigées par endroits.
Sur la plage des ossements de baleines et les ustensiles rouillés qui servaient à en extraire l’huile.
Réminiscence du temps pas si lointain (1916) où les premières colonies d’aventuriers (baleiniers chasseur et exploitants de charbon) s’installèrent au Spitsberg.
Au ras des falaises qui surplombent la mer, les oiseaux déboulent par rafales, comme des obus tirés d’en bas. Ils vont se désaltérer dans la gouille miroitante qui dort au fond de la plaine et recommencent inlassablement leur ballet, dans une chorégraphie d’ensemble, aussi légère que synchronisée.
Rencontre inattendue avec deux chercheurs de l’institut polaire norvégien en observation pour deux mois, dans ces lieux enveloppés de grisaille 300 jours par année, mais où le soleil nous a fait l’amitié de nous accompagner un bout de route.
De l’ours à la baleine
Par Marc à 14:27 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
L’île aux ours n’a d’ours plus que le nom…
Des ours il y en bien eu par là, et il n’y a pas si longtemps. Chaque hiver avec la banquise, il en arrivait une dizaine. Mais de banquise depuis quelques années il n’y a plus et les ours sont donc repartis bien plus au nord.
Tiens, nous ne sommes pas seul dans Sörhamna. Il y a là un bateau de pêche, mais pas n’importe lequel, sa vigie l’indique, c’est un baleinier.
Un baleinier norvégien, puisque la Norvège continue de pêcher la baleine. A fin de recherche, disent les documents officiels. Nous on veut bien, il n’empêche que de la baleine, de la viande de baleine, on en trouve au supermarché. Comme l’autre jour à Tromsö où nous avons achetés 5 superbes steaks, histoire quand même de goûter avant de parler…
Et il faut bien l’avouer, c’est bon. Une viande tendre et juteuse, assez proche du bœuf. Non averti, on se laisserait assez facilement tromper.
Bon d’accord, le fait que ce soit bon n’est pas une raison suffisante pour accepter cette pêche, mais il fallait quand même mettre cette pièce au dossier. On vous laisse continuer le procès sans nous !
On se contente d’observer à la jumelle l’agitation sur le pont du voisin. On y est visiblement entrain de dépecer une bestiole, et l’on peut apercevoir de gros quartiers rouges soulevés par la grue du pont.
D’ailleurs, le travail terminé, le baleinier repart en mer.
Et lorsqu’on se rend à terre, dans l’anse de Kvalrossbukta, les vestiges montrent bien que l’activité ne date pas d’hier.
Barents vous salue
Par Marc à 14:24 :: 2008 Tromsö – Spitsberg 1ère partie
« Vous aurez une bonne brise, 20 à 25 nœuds d’est pour deux jours et selon nos projections de l’est sud-est pour la suite. De quoi faire une traversée rapide et confortable. Mais… », et le « mais » a toute son importance, « mais… » avait dit la charmante météorologiste de l’institut météo de Tromsö, « à 3-4 jours tout change beaucoup par ici ».
En route donc, tout d’abord au moteur dans les canaux jusqu’à Torsväg où la mer de Barents nous attendait. Et de pied ferme !
25 – 30 nœuds légèrement nord est, et vent contre courant (Gulf Stream) bref, ça n’a pas tardé à filer bon train dans notre lessiveuse préférée.
Les estomacs protégés depuis si longtemps soit en Suisse pour certains, soit dans les canaux norvégiens pour d’autres sont mis à rude épreuve. Sauf pour Laurence qui survole l’épreuve et se met aux petits soins pour tous. Appréciable dans ce shaker. Surtout que dehors, il fait 3 degrés… à 25 nœuds de vent… ça caille !
Une trentaine d’heure de ce régime puis très vite tout tombe et tourne plein nord. On appuie immédiatement au moteur direction Björnöya, l’île aux ours. D’autant plus que la météo reçue par iridium annonce du nord-ouest 20-25 nœuds pour le lendemain, soit exactement en plein dans le nez. C’est donc à Sörhamna, tout au sud de Björnöya que nous jetons l’ancre, bien décidés à laisser passer le front, puisqu’il semble (mais peut-on y croire) qu’après cela devrait devenir calme pour 2 jours, le temps de filer, au moteur s’il le faut vers le Spitsberg.