Coup de théâtre à Ny Hellesund
Par Marc à 17:10 :: 2010 Peintres à bord
(Par Sylvie, aquarelle de Matthieu Berthod))
Aujourd’hui la Norvège va nous offrir un coup de théâtre. En passant dans l’étroit goulet qui, entre deux promontoires rocheux nous conduit à Ny Hellesund, avant même de découvrir ce qu’est ce village, nous apercevons perchée sur la pierre une maison ocre sur laquelle s’est écrit en toute lettres : TEATER.
Drôle d’endroit pour installer un théâtre : Ny Hellesund , c’est quelques maisonnettes blanches au toit rouge, enracinées dans le rocher au bord de la vaste piscine circulaire que forme la mer à cet endroit. Petit pontons de bois, fleurs devant les façades et quelques barques amarrées …et, à première vue, c’est tout.
Du coup nous imaginons notre scénario, pittoresque et dramatique : autrefois Ny Hellesund devait un village de pêcheurs, niché là, à l’abri des vents, avec sa flottille de barques et de petit chaluts, ses quais jonchés de filets à réparer, ses femmes qui attendent derrières les fenêtres que les hommes reviennent de Christansand où ils vendent leur poissons. Et puis les pêcheurs s’en sont allés. Le village a été racheté par de riches bourgeois de Chrstiansand qui vient passer les week-end et les vacances d’été dans leurs résidences secondaires. Fin du premier acte. Rideau.
Deuxième acte : coup de théâtre. Derrière les maisons du port, il y a une étrange forêt, sans doute remplie d’elfes… et encore d’autres maisons et des moutons et des oies et un chemin qui conduit jusqu’à la maison de Knut et même au-delà. Et c’est là que nous apprenons que Ny Hellesund n’a jamais été un village de pauvres pêcheurs, mais propriété de familles d’armateurs, de marins et de pilotes de vaisseaux , puissantes et fortunées. Aujourd’hui le village compte 10 habitants permanents et des résidences secondaires accrochées, en escalier à la roche et entourées de jardinets bien entretenus.
Ah ! J’oubliais de vous dire que Knut est le directeur du théâtre de Ny Hellesund qui a pris ses quartiers dans l’ancienne école. Il entame sa dixième saison théâtrale. Demain un ferry de 40 personnes viendra de Christansand pour assister à la représentation de sa nouvelle pièce : une histoire de marins rattrapés par la modernité et une nouvelle technologie : le moteur. En Norvège il n’a été introduit que très tardivement sur les bateaux de secours en mer. Sous prétexte que quand la mer est calme, il n’y a personne à secourir et que quand elle est méchante, le moteur ne sert à rien contre les vagues. Le moteur, c’est le vent.
Knut est venu boire un verre sur Chamade, avec son voisin Arne, petit-fils de pilote-côtier …
Finalement c’est ça le vrai coup de théâtre : contrairement à nos expériences précédentes et aux dires d’Olivier de Kersauson, qui dans « Ocean songs » les décris comme « des bipèdes qui ne prononcent qu’une phrase par jour », les Norvégiens se révèlent sociables et peuvent être bavards. Du moins dans le sud du pays.
Les couleurs de la mer du Nord
Par Marc à 17:16 :: 2010 Peintres à bord
Texte et illustrations : Benoît Girardin
En débarquant à Göteborg il y a une semaine, j’avais quelque appréhension due principalement à mon pied marin extrêmement peu consolidé. Aujourd’hui, j’apprécie que tout se soit passé avec intensité, calme, aisance. Non qu’il ait suffi de prendre une seule fois une pilule contre le mal de mer, par précaution et sur ordre du capitaine au moment de traverser le Skagerrak, 20 heures en tout. Mais parce que chacune des étapes de ce périple a réservé des surprises uniques, des couleurs chatoyantes à l’extrême, des lumières époustouflantes.
Lorsque je me remémore les ambiances d’une ville cossue et commerçante comme Göteborg ou de la bourgade de Grimstad en Norvège, invitant le touriste à visiter, entre 10 et 16 heures, le petit musée Ibsen; lorsque je compare le minuscule étau rocheux de Indre Maloya à la crique de Utkräften ou au ponton léché et avenant mais bondé de Stokken, – ne se libérant pour nous qu’en soirée de ce dimanche – je reste sous le charme. Ce fut également une fête pour l’aquarelle. Ne seraient-ce que les couleurs de la mer, qui diffèrent entre tribord (à droite) et bâbord (de l’autre côté), celles des rochers dont le gris respire le rose, le bleuâtre, le jaunâtre ou le brunâtre selon l’orientation et l’intensité du soleil, celles des ciels composites, la diversité des habitats blancs ou grenats.
Et puis aussi, de longues heures de lecture calme, sans téléphone, et des moments plus méditatifs permettant aux composants de la vie de revêtir l’importance et le goût auxquels ils peuvent prétendre. Autour de la table, moins frugale qu’attendu, des discussions substantielles, des opinions variées et respectées.
Enfin, cette nécessité de la navigation à voile, faite d’ingéniosité dans l’aménagement des moindres recoins du bateau, de préparation méticuleuse, ces manœuvres précises mais jamais excitées, cette négociation créative entre vents, courants et destination.
Une vraie cure philosophique mise en œuvre à chaque instant, pendant 8 jours ! L’attention et la compétence de Sylvie et Marc, le calme souriant de Matthieu y sont pour beaucoup. Bons vents !
Benoit
Le « Blindlaie » : aveugle, tu parles !
Par Marc à 17:02 :: 2010 Peintres à bord
Illustration : Matthieu Berthod
« Blindlaie » : passage aveugle.
Situé entre Grimstad et Christiansand, voilà un passage qui porte bien mal son nom : et doublement. D’abord parce qu’il n’est pas en cul-de-sac, même si en consultant la carte marine on à peine à le croire. Le passage n’est parfois large que d’une dizaine de mètres, mais offre toujours assez de profondeur pour y glisser la coque de Chamade. Et le seul pont routier qui l’enjambe a la correction de laisser 19 mètres de tirant d’air, bien assez pour les 16m70 du mât de Chamade.
Ensuite, c’est une petite merveille pour les yeux. Un enchevêtrement de granit, de sapin et de canaux marins. Délicieux. Mais ça se sait. C’est d’ailleurs désormais la côte « chic » de la Norvège. Tout ce qui compte dans le pays y possède sa maison au bord de l’eau, et son canot moteur (gros moteur, il va de soi !) amarré devant. Et ça se paie. A l’agence immobilière de Grimstad, nous y verrons une annonce pour une petite maison de pêcheur, 60 mètres carrés habitables au bord de l’eau, avec son petit ponton privé : 700’000 euros ! Plus d’un million de francs.
Mais il faut reconnaître que tout s’intègre parfaitement dans le paysage. Les maisons sont nombreuses mais discrètes. Pas de bétonnite. Reste qu’on apprécie d’y passer début juin. Pas difficile d’imaginer la noria motorisée qui doit arpenter ce dédale au mois de juillet. Il ne doit y avoir qu’un pas du paradis à l’enfer.
Mais peu importe, nous jouissons du calme de cette pré-saison, du soleil, du jeu des lumières, des mouillages solitaires, et des petits bourgs endormis.
Nos peintres de l’expédition redoublent d’activité. Plaisir des yeux, troisième !
Le Kattegat : les retrouvailles avec l’océan
Par Marc à 16:56 :: 2010 Peintres à bord
(Illustration : Matthieu Berthod)
Mercredi 9 juin : Nous voilà penchés sur les fichiers météo : Au programme du calme aujourd’hui avant l’arrivée d’une petite dépression sur le sud de la mer du Nord. Et dès vendredi, derrière elle, le vent de nord-ouest devrait s’établir pour plusieurs jours. De quoi nous bloquer sur la côte suédoise pour un moment.
Mais heureusement, il y a d’abord le front chaud avec son train de pluies abondantes, mais aussi, puisque nous sommes au nord du centre dépressionnaire, une trentaine d’heures de vent d’est. C’est bien suffisant pour parcourir les 100 milles qui nous séparent de la côte norvégienne, à travers le Kattegat, le triangle des Bermudes local, entre Suède, Danemark et Norvège. Une zone de sinistre réputation, où les vents d’ouest et de nord-ouest se renforcent souvent, levant une mer dure et parfois dangereuse au large des côtes norvégiennes.
Il faut donc en profiter.
Ce mercredi nous nous contentons de gagner un mouillage au large de Göteborg, et le départ pour la traversée est fixé à midi ce jeudi.
Le temps donc d’une escale étonnante dans la baie sauvage d’Utkaften, où une dizaine de vaches se disputent les maigres herbages disséminés sur cet ilot granitique, et nous levons l’ancre à la mi-journée. L’ambiance est au gris : gris des rochers, gris de la mer et gris du ciel. La pluie prévue est bientôt au rendez-vous lorsque nous filons vent arrière dans une vingtaine de nœuds.
Nos peintres de marine découvrent le rythme des quarts, et comme par 58° Nord, la nuit ne dure pas bien longtemps, la traversée ne sera qu’une longue glissade humide mais sans histoire jusqu’à Grimstad, atteinte à l’aube sous une pluie battante.
A tel point que nous renonçons à gagner de suite le port niché au fond de la baie, privilégiant un mouillage d’attente, histoire de laisser passer l’averse.
Göteborg : le temple du commerce
Par Marc à 16:50 :: 2010 Peintres à bord
(Illustration : Matthieu Berthod)
En arrivant on ne voit que lui. Un immense bâtiment rouge et blanc, haut de 86 mètres. De loin on pourrait croire à l’arrière d’un immense ferry. Sûrement le fameux nouvel opéra que tous les guides mentionnent comme le nouveau symbole architectural de la ville.
Sauf que ce n’est pas l’opéra, qui lui se cache, bien plus modeste, juste de l’autre côté du Gjesthamna de Lilla Bommen. Ce qui est aujourd’hui le symbole visible sur toutes les cartes postales n’est que le Utkiken, un centre d’affaires, surnommé ici le « lipstick », le rouge à lèvres..
Beau symbole d’une réalité plus prosaïque. Les amarres à peine tournées, il vous suffit d’emprunter la passerelle couverte qui enjambe l’un des nœuds routiers de la cité et vous voilà dans Nordstan,’ le temple des marchands. Un cœur de ville qui ne semble d’ailleurs n’être qu’un vaste centre commercial. Il couvre tout un quartier dont les rues ont été couvertes de verrières, pour laisser place à un immense mall piétonnier. Des boutiques, des magasins à ne plus savoir qu’en faire. H&M à tous les carrefours, Cubus ou encore Dressmann, toutes les enseignes nordiques y ont multiplié les points de vente. En moins de 10 minutes à pieds vous y compterez six Mac Donald’s. Le tout relié à la gare ferroviaire et routière : toute la région semble converger vers ce temple du shopping. A se demander d’ailleurs comment autant de boutiques souvent identiques peuvent y être rentables. Ou comment on peut autant consommer au mètre carré.
Et comme le reste, sans être désagréable, n’offre guère d’intérêt, Göteborg ne nous laissera que le souvenir de cette fièvre acheteuse.
Etrange, mais pas repoussant pour autant, grâce à cette ambiance toute suédoise faite de décontraction.
Escale pratique, amusante, mais qu’on ne prolongera pas. D’autant plus qu’une fenêtre météo s’ouvre : il ne faut pas la manquer.
Peintres d’expédition
Par Marc à 16:46 :: 2010 Peintres à bord
Il fut un temps où ni l’argentique, ni le numérique ne permettaient de montrer aux rois commanditaires les contrées découvertes et d’illustrer les faits glorieux des grands explorateurs On recourait alors aux peintres de marine, aux peintres d’expéditions.
Sur Chamade on a décidé de tenter l’expérience, de faire de vous les rois commanditaires (sans pour autant prétendre être les « Grands » explorateurs !)
Cette semaine Benoît et Matthieu ont embarqué. Crayons et pinceaux ont envahi le bord.