(Par Sylvie)
Mais quel foutoir ! Comment s’y retrouver dans le souk taïwanais des temples, des religions et des dieux ?
Des temples, il y en a partout, à chaque coin de rue, dans chaque quartier, au bord de la route, au milieu des rizières, sous les tours et les immeubles, dans chaque port, à l’entrée des usines… bref ils sont omniprésents. Il y en aurait 30’000 à Taïwan, sans compter, sans doute les petits sanctuaires qui servent de boutiques à oracles.
Des religions, on en recense officiellement 24. Dont – pour environ 3 % de la population- le protestantisme et le catholicisme hérités de l’époque coloniale hollandaise, puis espagnole et pratiqués aujourd’hui essentiellement par les Aborigènes. Bien que Sun Yat Sen et Chang-Kaï-Chek, les deux pères fondateurs de la République de Chine se soient eux aussi convertis au christianisme.
Quant aux dieux… on ne les compte plus. Il y a ceux du Bouddhisme et du Taoïsme, ceux que l’on vénère dans les croyances et pratiques populaires chinoises : les forces de la nature, les ancêtres et autres esprits. Il y a aussi les personnages historiques élevés au rang de divinité, comme Confucius ou encore Guan Gong, célèbre général mort en l’an 220 et promu Dieu de la guerre. Pour nous, c’est vraiment du chinois.
Un peu ébaubis devant ce melting pot religieux, à la fois bigarré et ostentatoire, nous observons dans les temples les nombreux fidèles prier avec ferveur pour que leurs vœux soient exaucés, brûler des tonnes de bâtonnets d’encens, au milieu des offrandes de fruits et de fleurs.
Agenouillés sur des prie-Dieu de skaï, face aux statues géantes qui étincellent sous les néons, certains jettent fiévreusement par terre deux demi-lunes en bois (bwah bwey). Si une demi lune retombe, sa partie bombée vers le sol et l’autre vers le ciel, la requête est acceptée Si les deux parties bombées retombent vers le ciel, la requête est rejetée, si au contraire elles se retrouvent vers le sol, cela signifie que le dieu rit de la requête. Si l’on obtient trois fois d’affilée la même réponse, mieux vaut ne pas insister.
Les colonnes dorées qui bordent les autels, sont constituées de milliers de figurines divines, éclairées. On peut les louer à l’année pour s’offrir à la fois leurs lumières, sponsoriser le temple et acheter leur indulgence.
Autre pratique étonnante, celle qui consiste à brûler dans d’immense poêles publics, des liasses de papier, vendus dans des échoppes proches de temples, sous le nom de ghost monney. Une monnaie fantôme qui permet de régler les dettes que l’on a vis-à-vis des ancêtres ou autres dieux bienveillants.
Ainsi à Taïwan, les temples ne sont pas menacés de pauvreté. Leurs néons multicolores (certains temples affichent la date, l’heure et la température de l’air), leurs pluies de paillettes et leurs allures tapageuses, attirent nettement plus de monde que chez nous.
Il faut ouvrir tout grand les yeux pour découvrir ça et là quelque chose qui corresponde à nos critères esthétiques qui se trouvent décidément bien mis à mal.
De quoi les relativiser, peut-être ?