(Par Sylvie)
Adieu Homer, salut Suzanne et Roch qui se dorent la pilule à Hawai. Pierre notre premier équipier est arrivé. Donc nous partons pour une nouvelle saison alsakienne. En guise de mise ne bouche, une petite escale à Seldovia. où la petite communauté des «Natives » (c’est à dire ici, des Aléoutes) cohabite avec les Visages Pâles, propriétaires de résidences secondaires ou touristes.
L’autochtone du port est le seul qui n’a pas l’air commode et ne bouge pas une plume lorsque nous l’effleurons en passant.
Sans se formaliser, nous filons vers le nowhere. Enfin presque. Parce que à Port Graham, il y a du monde. Une centaine de « Natives » qui vivent autour d’une pêcherie, aujourd’hui abandonnée
On se balade sur une piste en terre, entre les maisons de bois, foutoirs ou bien entretenues. Autour de l’Eglise orthodoxe, le gazon est tondu nickel. Des voitures passent, puis un vieux camion citerne. Tout le monde nous sourit et nous fait signe de la main. Friendly les habitants de Port Graham !
Nous traversons ce qui doit être la piste d’aviation et voilà que nous croisons une femme, pas « Native » du tout.
- Vous avez une autorisation pour venir ici ?
- Non pourquoi, il faut une autorisation ?
- Il faut une raison spéciale pour rendre visite à cette Communauté
Ils avaient pourtant l’air sympa ces gens. Pour quelle raison doivent-ils vivre hors du monde? La dame en question nous apprend qu’elle vient une fois par semaine à port Graham pour s’occuper de la violence conjugale et familiale. Bon, comme nous ne faisons pas partie de la famille, on ne risque rien. Mais la dame est pressée. Elle doit prendre son petit avion pour rentrer à Homer. Et elle ne veut pas le rater, même s’il y en a un qui passe toutes les heures ! Service assuré par K Bay air.
Un avion par heure, pour un ghetto de 100 personnes sans poisson à vendre ? Mais qu’est-ce qui justifie pareil trafic ? Nous n’avons pas le temps d’en demander davantage à notre assistante sociale. Est-elle envoyée par le gouvernement d’Alaska ou par une des nombreuses Églises qui se chargent « d’éduquer » les Natives, contre de substantiels financement ? Déjà un vrombissement se fait entendre. Un avion atterrit dans un nuage de poussière, embarque sa passagère et repart aussitôt, sans l’intervention de personne.
Les questions se bousculent dans ma tête, en regagnant le bord. De quoi vit cette communauté Aléoute ? Comment finance-t-elle son transport aérien ? Sans doute reçoit-elle une aide du gouvernement. On sait que pour installer ses bases dans les îles Aléoutiennes,après la deuxième guerre mondiale,l’armée US a « déplacé » les habitants des îles, sur le continent. Elle les a parqués dans des vieilles pêcheries où les plus robustes ont pu survivre aux terribles conditions de vies qu’ils ont dû affronter. Les « Natives » de Port Graham sont-ils les enfants de ces déportés qui sont restés là ? Ce village est devenue leur propriété. On leur aurait donc cédé ces terres en compensation ? Peut-être que oui. Peut-être que non. La dame de la violence domestique ne nous a rien dit à ce sujet. Ni personne d’ailleurs.
En tous cas n’allez pas croire que tous les « Natives » sont de pauvres malheureux violents. Tenez, le lendemain de notre visite à Port Graham, nous avons mouillé dans la baie de Sukoi, entourée de hautes falaises.
Et c’est tout à fait par hasard que nous sommes tombés sur une famille monoparentale. « Native» pur jus ! Elle nous regarde arriver d’en haut, l’air aussi incrédule que nous, quand nous l’avons aperçue.
Sans doute aurait-il fallu demander une autorisation à cette cheffe de famille pour débarquer sur son vaste territoire. Mais nous ne parlons malheureusement pas la même langue. Toujours est-il, qu’en nous surveillant du coin de l’oeil, qu’elle nous a laissé approcher suffisamment pour que nous puissions observer une belle scène de bisous nounours.
(Par Marc)
A Port Graham on a des valeurs
Devant le building de l’aéroport on découvre que le lieu s’appelle en fait « Ungwirwiiliik ». Que c’est « un lieu pour venir y vivre ». Un lieu avec des valeurs, celles des Aléoutes. Elles sont soigneusement listées sur un panneau, en langue aléoutes et en anglais.
Pour qui ? Mystère. Des valeurs qu’il faut apparemment rappeler à toute occasion : Ainsi ce panneau invitant les gens à ne pas prendre quelque chose qui ne leur appartient pas. Et l’on souligne bien les valeurs qui imposent cette demande : « la spiritualité, le respect des anciens, la loyauté, la confiance, l’honnêteté ».
Comme si sur nos panneaux d’interdiction de stationner on ajoutait un extrait des « 10 commandements ».
Mais qui donc a souhaité ce genre d’inscription et pourquoi ? Là encore Port Graham ou plutôt « Ungwirwiiliik » gardera tout son mystère.
N’ayant « rien de spécial » à y faire, nous relevons l’ancre… cap sur les ours du Katmaï