Je pense à Jean qui vivait sur son bateau à Vancouver et nous répétait combien c’est agréable d’entendre le doux bruit de la pluie résonner sur la coque. Je pense à lui, parce que depuis des jours, j’entends le bruit de la pluie sur la coque de Chamade et que je ne trouve pas ça agréable du tout.

C’est que le ciel nous pisse dessus jour et nuit, sans répit ou presque. Et comme il a la vessie bien gonflée par les dépressions qui se succèdent au large, il se lâche sans vergogne, sur le pot de chambre de la Patagonie, aux abords du golfe de Penas. Juste là où nous sommes. Nous voilà piégés, pris dans la toile d’araignée de Chamade, solidement ligoté au bout de son ancre par trois bouts tirés à terre qui le maintiennent amarré aux arbres mouillés. Parce ce qu’en plus de la pluie, il y a le vent et les rafales qui dévalent des sommets environnants et pourraient donner à n’importe quel bateau, des envies d’aller s’échouer sur les cailloux. Alors on pare toute éventualité, même dans un abri qui semble sûr.
Huis-clos 4. L’enfer ce n’est pas forcément les autres dans ces circonstances. Notre stratégie parapluie: lectures, dessin, tri des photos, la cuisine (pour Amanda), éventuellement une séance cinéma et le séchage de Chamade dégoulinant, qui finit par goutter sur ma couchette où je bats en retraite sous la couette. Heureusement que nous avons le chauffage sur notre bateau !

Hier nous avons pu profiter d’un moment d’accalmie pour aller nous mouiller les bottes dans le bush et les mousses spongieuses de la montagne, truffé de lichens bizarres, de ruisseaux et de torrents. Que d’eau ! Si ça continue, nous allons finir comme les arbres du littoral: en putréfaction. D’autant que bing, la nuit dernière c’est reparti de plus belle et quand je dis de plus belle, ça veut dire que des torrents de pluie nous sont tombés sur la tête, en faisant un raffut qui m’a empêché de fermer l’œil.
Alors je t’en foutrais du doux bruit de la pluie sur la coque.
Je comprends votre lassitude car, sur un bateau, il n’y a pas beaucoup de place pour faire un peu de gym, histoire de ne pas trop ramollir et les activités ne sont pas très nombreuses. J’espère que vous avez pris suffisamment de livres pour tenir le coup.
Amitiés. Françoise
En Europe aussi nous avons été sous des pluies torrentielles qui ont fait des dégâts.
J’ai l’impression de revivre notre arrêt avant le golfe de Penat avec Jean-Chistophe sur La Marguerite… la nature se fait notre geôlière par temps de forte pluie !
Merci pour l’authenticité de votre récit, qui aide à poser des mots sur des moments si particuliers !
Bon vent, et au plaisir de vous croiser sur l’eau