Kwatsi Bay (50°51N / 126°15W)
Pour vivre à Kwatsi Bay, il faut avoir la nuque souple. Du moins si l’on veut voir le soleil… Mais comme le soleil ici n’est pas chose
quotidienne, alors…
A Kwatsi les falaises de granit tombent presque droit dans la mer. Des parois couvertes de sapins qui forment un véritable cirque au fond duquel est nichée la petite « marina » de Max. Marina est un bien grand mot : juste un long ponton flottant, 2 cabanes flottantes elles aussi, et à terre la petite maison de Max et Anca. Ils vivent là depuis 19 ans, ayant racheté les restes d’une petite fabrique de bardeaux.
Le lieu est devenu un point de ralliement de ce qui flotte dans la région. Max voit passer 600 bateaux chaque année, entre le début juin et la fin août. Le
reste de l’année… c’est la grande solitude…
Mais Max aime ça… Mi-philosophe, mi-bricoleur il entretien ses pontons. « L’hiver passe même parfois trop vite et je n’ai pas le temps de tout faire ». Ne le croyez pas pour autant coupé du monde. Il a installé une antenne satellite, il est donc connecté à Internet. « C’était indispensable à l’éducation de nos enfants qui ont grandi ici ». Max, amoureux de son coin, témoin aussi d’une inquiétanteévolution : les glissements de terrain se multiplient…
« Le résultat de l’exploitation forestière… Ici, explique Max, toute la forêt est de deuxième génération. Les grands cèdres ont tous été abattus au siècle dernier et ce sont des sapins qui ont repoussé à la place. Ils poussent en plus grande densité et contrairement aux cèdres, ils tolèrent une forte présence de broussaille. Résultat : le sol retient mieux l’eau, le poids augmente et fatalement, un jour, la mince couche de terre qui recouvre le granit lâche… »
(Cherchez bien Indiana Jones dans les broussailles!)
Max qui raconte aussi les dégâts occasionnés aux rivières à saumons. « Il y a 50 ou 60 ans, on n’avait pas de trop de scrupules. Les bûcherons construisaient de véritables barrages, puis laissaient monter l’eau, créant de vrais petits lacs. Ils rasaient ensuite toute la forêt alentour, accumulant les troncs dans le lac. Puis à la fin, un coup de dynamite, le barrage sautaient et tous les troncs étaient emmenés dans un torrent dévastateur jusqu’à la mer… Adieu donc la possibilité pour les saumons de remonter les rivières pour aller frayer. Aujourd’hui de telles pratiques sont interdites… mais les dégâts sont faits. Et l’exploitation intensive continue… »
On est loin des méthodes des Indiens qui « prélevaient » de grandes planches sur les cèdres, sans les abattre pour autant. Certains en gardent encore la trace…
La devise des Canadiens, dit Max, c’est « Faire autant de dollars possibles, dans un minimum de
temps ! » Il n’y a pas vraiment de vision à long terme dans ce pays… Bois, minerai, pétrole, tout doit être exploité et vite… même si reconnaît Max, les choses évoluent, lentement, aujourd’hui.
Mais pour les grands cèdres… il faut chercher…
rares sont ceux qui existent encore…