Archipel de Melchior, mardi 17 décembre:
Il était écrit que l’Antarctique ne nous lâcherait pas comme ça. Hier soir, lundi, sous le coup de 20 heures nous quittions la base ukrainienne de Vernadsky, pour profiter de la trace de Polar Pioneer (un bateau russe transportant 80 passagers) à travers le détroit de Lemaire. Et tout se passa comme prévu, sauf qu’un peu plus loin, prenant la route du chenal Pelletier, nous nous trouvions bloqués par des plaques de banquise dérivantes.
Au départ, quelques difficultés, mais très vite une vraie impossibilité. Poussées par les courants, les plaques de banquise deviennent envahissantes et bloquent totalement Podorange. Pendant près de 4 heures la bataille sera rude, pour ne rien gagner au final.
Un surplace oppressant, belle illustration de ce qu’on peut lire dans les récits des pionniers du 19 siècle, se faisant immobiliser et broyer par les glaces. Heureusement, il n’y a pas de vent et donc pas de pression, et au gré du changement de marée, une brèche se forme nous permettant peu à peu de nous échapper en direction du détroit de Gerlache. Comment vous décrire l’ambiance du bord, sinon par un silence pesant, fruit de la tension grandissante. Que le vent se lève, que les glaces commencent à danser et les ennuis peuvent arriver très vite. Comment un safran (gouvernail) pourrait-il résister à pareille danse du diable?
Mais heureusement, finalement l’ouverture se produit, et bataillant entre les blocs de glace, Podorange retrouve l’eau libre pour rejoindre l’archipel de Melchior, blotti entre les îles d’Anvers et de Brabant. Un dernier mouillage incroyable, au pied d’une falaise de glace. Le capitaine est détendu: « On a vu les moustaches du diable » déclare-t-il laconique, mais souriant. La dernière nuit s’annonce calme et reposante, demain ce sera donc le départ pour le Drake et le Horn, dans 3 à 4 jours. Un Drake clément selon Brice, le skipper…. A vérifier sur le terrain dès demain matin.