On avait bien repéré San Evaristo sur la carte: un petit village de pêcheur isolé, un mouillage presque protégé de tous les vents dominants de la région, c’était une étape incontournable entre Loreto et La Paz.
Arrivés en fin d’après-midi, nous avions pu immédiatement observer le ballet des pangas de retour de la pêche. Pas étonnant, que peut-on faire d’autre ici que pêcher ?

Une belle occasion de varier et d’améliorer l’ordinaire du bord puisque les pêcheurs nous accueillaient avec le sourire et acceptaient volontiers de nous vendre du poisson plus que frais. Un magnifique Red Snapper un jour, deux belles carangues le lendemain.

Ils nous auraient bien volontiers vendu aussi l’un de leurs magnifiques thons, mais vu la taille de notre frigo, c’eût été un beau gaspillage.

L’occasion d’échanger ainsi avec Augustin sur le mode de vie de cette petite communauté de 18 familles. Ici pas de coopérative mais une entente, une collaboration entre famille pour gérer la logistique. Car ce n’est pas tout de pêcher, encore faut-il amener le poisson à temps au marché. Et ici, le marché le plus proche, il est à La Paz. 100 kilomètres moitié piste moitié route. Qu’à cela ne tienne, à défaut de congélateur industriel dans ce village sans générateur, les familles se mettent ensemble pour faire venir un camion chargé de glace, qui repartira chargé de poisson.

Et apparemment, ça marche ! Quelques pas dans le village montrent qu’il est étonnamment prospère et bien organisé. Une école primaire, une usine de désalinisation d’eau de mer alimentée par des panneaux solaires et même un petit resto qui propose une cuisine délicieuse aux équipages des voiliers de plus en plus nombreux à faire escale (on l’a testé pour notre anniversaire de mariage !).

Bref, se dirait-on, la vie simple et harmonieuse d’un village de pêcheurs depuis la nuit des temps.
Et bien pas du tout. La pêche, ici n’est qu’une activité récente, une forme de recyclage…
A l’origine San Evaristo s’est développé autour de 2 salines. L’une, abandonnée, juste en face, sur l’ile de San José. L’autre encore en fonctionnement dans une baie juste au nord du village.
Car dans cette péninsule désertique, on ne vivait pas au bord de la mer. On la fuyait pour se réfugier dans les montagnes, à l’ombre des canyons, là où l’eau permettait une agriculture de survie. Les seules richesses, à part la perle, furent pendant longtemps les mines (cuivre et argent).

Les pêcheurs ne sont venus que bien plus tard, après la fin de la (sur)exploitation perlière qui avait fait la richesse de la baie de La Paz. Il avait bien fallu reconvertir les plongeurs venus pour la plupart des côtes du Sinaloa, de l’autre côté de la mer de Cortez. Les implantations de pêcheurs s’étaient multipliées sur cette côte désertique. Jusqu’à menacer là encore l’écosystème. Jusqu’à la création de zones de reproduction protégées, de réglementations et de campagnes de sensibilisation.
Aujourd’hui cette pêche artisanale est devenue prospère et offre, comme le dit Augustin, « una buena vida »