(Par Sylvie)
Dire que nous avons failli passer à côté de Wotje.
Merci Eole qui passablement remonté nous a incité à faire une halte dans cet atoll, au lieu de filer directement vers Kwajalein, la porte de sortie de la RMI. Il n’y a pas photo. De tous les villages des îles Marshall que nous avons visités, Wotje est de loin le plus sympa, le plus ouvert, le plus cool. On nous salue, on engage la conversation, même si l’anglais n’est pas « fluent », on s’intéresse aux étrangers, sans aucune arrière-pensée, pour le plaisir de la découverte et de la conversation.
Même les gaillards qui jouent toute la journée au billard (en pariant quelques dollars) en short et Marcel, se déconcentrent un moment de leur dur labeur pour nous interpeller de leur sombre cabanon. Car contrairement aux autres villages, il n’y a pas que des vieux et des enfants à Wotje. Il y a aussi des ados et des jeunes gens pour la bonne raison que la High school du groupe des îles du nord, se trouve ici, affichant fièrement sa devise « Today we follow, tomorrow we’ll lead ».
Nous sommes allés leur raconter la glace, le Grand Nord et les ours polaires pour les faire voyager. Physiquement aussi, Wotje se différencie des autres villages. Entre une belle plage de sable en demi-lune et les cocotiers, deux jetées distantes d’environ 500 mètres s’affaissent dans la mer (excellent abri pour un mouillage à la voile). Encore un souvenir laissé par les Japonais, qui avaient installés ici, comme à Taroa, une de leurs bases aéronavales. Mais au lieu de laisser moisir ces reliques de guerre, les habitants de Wotje ont su en tirer le meilleur parti, en les intégrant dans leur cadre de vie.
D’où vient l’immense esplanade en béton qui s’étend d’un bout à l’autre du centre du village ? C’est la piste d’atterrissage des bombardiers japonais. Elle offre à l’école primaire une magnifique place de jeu.
Au centre, l’église y brandit sa croix, à côté d’un canon, histoire de rappeler, sans doute que Dieu n’est pas toujours miséricordieux surtout avec les mécréants.
Dans les cratères laissés par les bombes poussent aujourd’hui des petits jardins circulaires et des cocotiers qui font de l’ombre à des petites habitations en bois ou en dur où on vit en famille. D’autres habitants ont carrément choisi d’installer leur foyer dans un bunker bombardé, qui laisse entrer un peu de soleil par le plafond. Enfin, en bordure de l’actuel aérodrome, l’hélice d’un avion s’expose comme une sculpture moderne pour accueillir les clients de « l’Airport lodge ».
A Wotje, on a l’art de recycler la guerre, sans nostalgie, sans ressentiment et avec le sourire.