Puerto Éden, ce n’est pas le paradis. La preuve, tous les habitants s’en vont les uns après les autres. Et le village ne compte plus qu’une centaine d’âmes.
Cela dit, Puerto Eden ce n’est pas l’enfer non plus. Surtout quand la grande pleureuse se décide à nous lâcher un peu les basques. Nous découvrons des petites maisons ( il est vrai un peu délabrées) de coloriées, posées sur la rive, entre îles, mer et montagne enneigées, au milieu d’un parc naturel protégé. Sans route, donc sans voiture.
Ici on circule en bateau ou à travers le réseau de passerelles en bois qui relie les maisons et sillonne les collines.
Trois petites épiceries, un supermercado, pas si super que ça, une école visiblement surdimensionnée pour ses 15 élèves rescapés de l’exode ( il ne faut pas oublier que Puerto Eden a compté jusqu’à 600 habitants dans les années 60); la maison d’hôtes bancale de Don José, où l’on peut faire la lessive et prendre une douche chaude. Une antenne 3G, aujourd’hui supplantée les antennes Starlink de Elon Musk qui fait un carton au Chili. Sans compter des services municipaux qui fonctionnent ( voirie, eau électricité etc…) et un dispensaire pour veiller à la santé de tous.
Bon c’est vrai que le village où nous avons trouvé refuge pour quelques jours est quelque peu isolé. Deux ferry par semaines s’y arrêtent sur la ligne Puerto Montt – Punta Natales. Ils permettent un ravitaillement régulier en nourriture et autres marchandises. C’est ainsi que la Señiora Isabella peut nous fournir les légumes, fruits et divers denrées que nous lui avons commandé à l’avance et qu’elle fait venir du vrai supermarché de Puerto Natales. Idem pour le fuel.
Vous voyez bien que ce n’est pas l’enfer, à Puerto Eden. Alors pourquoi les habitants désertent-ils pour aller chercher meilleure fortune ailleurs? La faute, nous dit-on, à la marée d’algues rouges qui, depuis 20 ans, remontent sporadiquement du détroit de Magellan, surtout les années Niño ( et nous sommes en année Niño). C’est elle qui empoisonne les huîtres et les moules, ces fruits de mer dont les pêcheurs de Puerto Eden tiraient l’essentiel leur revenus, en les exportant frais ou séchés sur le continent.
Mais voilà aujourd’hui, la consommation de moules et autres coquillages bi-valves est régulièrement prohibée et Puerto Eden se meurt. Ne restent aux habitants, que le poisson pour leurs propre consommation et le commerce de la centolla ( l’araignée de mer géante), durant six mois de l’année. De quoi vivre encore quelques années de purgatoire.
Nous nous en accommoderons fort bien, nous qui attendons, ici, l’arrivée des pièces de rechange ( impeler ) pour notre moteur, à mi-route de notre prochaine destination : Puerto William.