A peine partis (ou presque) que nous voilà déjà à l’escale. C’est qu’à 260 milles (490 km) au sud de la Péninsule de la Basse Californie, en plein sur la trajectoire vers les Marquises, 3 petits points figurent sur la carte.
Les îles Revillagigedo (aussi difficile à écrire qu’à prononcer ou à se rappeler), possession mexicaine, inhabitée si ce n’est une base militaire sur Soccoro, la plus grande et la plus au sud. Comme le temps est magnifique et le vent faible, c’est forcément tentant d’y jeter un coup d’oeil et de d’essayer d’y trouver un mouillage. Première sur la route, San Benedicto est bientôt visible sur l’horizon. De loin elle ressemble à un vieux volcan. Mais c’est de près, et surtout sur sa côte sud que l’île devient spectaculaire. Elle n’est pas pointue, mais presque sphérique. Comme si le fond de sable de la mer avait été soulevé par une poussée de lave. Comme un gros bubon ocre qui sort de la mer ! Et cette bosse de sable dur est érodée depuis des siècles sans doute par la pluie et le vent. Elle est donc entièrement striée verticalement par couloirs où le vent soulève des tourbillons de poussière. Et sur son flanc sud-est, le bubon, l’abcès a été crevé à mi-hauteur. Une bouche a craché une immense coulée de lave qui forme une petite péninsule de basalte noir.

Derrière elle une petite baie offre une possibilité de mouillage, même si la houle et un reste de vague y pénètrent largement. L’ancre tombe, le mouillage sera rouleur, mais le spectacle est saisissant ! On ferait bien une petite trempette pour voir peut-être ces fameuses raies manta géantes qui foisonnent dans la région. Mais voilà qu’un comité d’accueil inattendu fait surface : 5 requins tournent lentement autour du bateau !
Comme nous sommes en pleine eau (et non pas dans un lagon) et faute de pouvoir déterminer de quel requin il s’agit, nous préférons rester prudemment à bord. Alors que la lumière baisse lentement, une famille de baleines passe quelques dizaines de mètres derrière le bateau. Le bruit profond de leur souffle fait concurrence au fracas de la houle qui se brise sur la plage au pied des falaises. Le bateau roulera toute la nuit, moins confortable qu’en mer où il est appuyé par ses voiles, mais qu’importe. Ce mouillage du bout du monde vaut largement le détour.
