En approchant de Katiu, impossible de ne pas voir cet imposant mur de béton que forme la digue de protection du village. Car si à marée basse le motu principal reste à l’abri de sa barrière de corail, à marée haute c’est une autre histoire : là où il y a encore une vingtaine d’années la houle se brisait sur une plage, aujourd’hui c’est directement sur la digue de béton que les vagues finissent leurs courses. Pas tous les jours, seulement lorsque le vent vient du secteur nord, mais l’agression est grandissante.
Montée des eaux ? Pas sûr, le phénomène est trop lent pour qu’il en soit la cause… Mais le réchauffement climatique, la spectaculaire augmentation des années Niño et la multiplication des coups de vent de nord… voilà qui est plus que vraisemblable…
A Katiu donc on veut des digues… non seulement côté mer, mais aussi côté lagon où lors des dernières tempêtes de nord, quelques maisons ont eu les pieds dans l’eau suite à la montée des eaux provoquées par la grande houle qui s’est engouffrée dans la passe.
Autre mur imposant, autre digue gigantesque, celle qui entoure le terre-plein de la mairie. Un projet qui date du début des années 2000. La commune veut construire une nouvelle mairie, mais il n’y a pas de terrain communal. L’ancien bâtiment et l’école sont sur un terrain revendiqué par un privé. Il est vrai qu’aux Tuamotu tout ou presque est propriété privée. Même le plus petit et le plus isolé des motu appartient à une famille. Alors à Katiu, ni une ni deux, on remblaie le lagon sur une surface équivalent à 2 terrains de football. Et on entoure le terre-plein d’une digue de béton de 2 mètres de haut. Là désormais trône la superbe mairie, le dispensaire, le hangar pour les véhicules communaux et celui du groupe électrogène qui tourne 24 heures sur 24, porte grand ouverte pour assurer le refroidissement. Le bureau du maire est ainsi aussi bruyant que s’il donnait sur un grand boulevard.
Qui a payé tout cela ? Le « Pays » dont le service de l’équipement a construit le tout ainsi que la piste de l’aéroport et la route qui y conduit.
Et dernière avalanche de béton, les deux rues du village tracées au cordeau, et surtout bordées de barrières à colonnades. Chaque maison a désormais son portail, sa barrière et ses chiens de garde qui aboient si vous passez trop près. « Pour se protéger des voleurs » nous dit-on. Eh oui, il y aurait eu des vols dans ce petit village de 250 habitants dont il est impossible de fuir discrètement. « Des jeunes… qui auraient volés des appareils électroniques ». Mais que fait donc le « mutoi » (policier municipal ) ? « Rien à part boire… » nous glisse-t-on sous le manteau.
Décidément les Tuamotu ne sont plus ce qu’elles étaient.