Ah, la ponctuation ! Une importance capitale dans notre belle langue française !
Et ce ne sont pas nos auteurs qui diront le contraire. Mais quant à s’attendre que ce soit le ciel qui nous le rappelle !
« Marin à l’encre: sympathique », le qualificatif de sympathique ne faisait guère de doute au moment où Pierre et Matthieu ont embarqué, mais le ciel qui s’est fait fort de supprimer les deux points. Que d’eau… que d’eau… Depuis bientôt 10 jours la pluie ne nous lâche pas. Comme si le ciel avait décidé de diluer l’encre de nos auteurs jusqu’à la rendre invisible. Adieu les points sur les « i », adieu les pics, les barres ou les formes tranchées… tout se dissout dans un lavis peu à peu informe…
Mais NON ! La résistance est farouche et derrière le rideau de la pluie se cachent des scènes qui marquent du sceau de l’aventure (humaine) cette navigation en Alaska.
C’est tout d’abord ce front soudain qui s’invitait alors que nous venions d’entreprendre la longue traversée de l’île d’Unalaska jusqu’à celle d’Unalaska. Partis chercher un abri confortable derrière l’île d’Akun, nous voilà confrontés à de terribles « williwaws ». Les rafales déboulent de la montagne à plus de 40 nœuds.
Le suspens est total… sera-t-il possible de jeter l’ancre dans ce véritable chaudron de sorcière ? Heureusement, tout au fond, la crique d’Helianthus, nichées au creux d’un petit amphithéâtre, un calme relatif règne. Nous y jetons l’ancre alors que la pluie commence à tomber pour ne plus s’arrêter… ou presque.
C’est donc à terre que nous avons cherché notre salut et nos auteurs leur inspiration.
A l’escale de False Pass où, comme en 2012, l’accueil de cette minuscule communauté de pêcheurs fut l’occasion de rencontres inspirantes.
False Pass en pleine croissance, passant de 30 à 47 habitants. De quoi ajouter encore un peu de stress à Christina, la postière, toujours fidèle à son poste, elle qui nous avait dit à quel point, en 2012, un mois de remplacement dans le bureau de poste de King Cove (800 habitants) avait été épuisant !
Plus serein, quoique… Steve : Arrivé à False Pass il y a 40 ans, il vit aujourd’hui sa retraite sur les lieux même du déclin de toute son œuvre…
Manager de l’ancienne pêcherie de Peter Pan dans les années 80, il avait vu l’installation détruite par un incendie. Mais avait pu transformer les installations restantes en centre de soutien pour les pêcheurs (Fuel, ateliers, logements, lessive, etc…). Aujourd’hui il ne reste du site que quelques bâtiments et les chemins de planches qu’il continue d’entretenir en échange d’un logement gratuit. « Quand tu vois ce que tu as créé de tes mains peu à peu se délabrer, tu mesures mieux l’inexorable marche du temps… » dit-il en philosophe fataliste.
Des états d’âme qui n’habitent guère Tony. Lui, le biologiste qui a passé toute sa carrière à étudier les saumons pour le compte du service des pêches de l’Etat, lui qui a tant contribué à créer les systèmes de quotas pour assurer la préservation de la ressource, le voilà désormais qui s’éclate en pratiquant le « gilnetting », la pêche au saumon au filet dérivant. A peine la retraite, il vient de s’acheter un bateau. « Et si tout va bien je vais encore pouvoir pêcher au moins 15 ans ? » dit-il avec son enthousiasme si communicatif que sa femme Catherine l’a suivi dans l’aventure.
Elle, la terrienne… « How my gosh… comment je fais pour ne pas tomber à la mer dans ce bateau qui roule tout le temps… How my gosh, mais quel espace et quel confort…. » s’écrie-t-elle en découvrant l’intérieur de Chamade. Il est vrai que si leur bateau est de même taille, 80% de l’espace disponible y est consacré au poisson. Le couple, lui, se contente de vivre dans la cabine de proue, un espace minimum, humide et puant le poisson.
Et puis il y a ces moments magiques où la nature nous offre des cadeaux royaux… Comme cette rencontre avec Maman ourse et ses deux oursons : là, juste devant l’étrave de Chamade, à l’orée de la crique de Captain Harbor…
Des moments forts, une nature forte, des personnages forts… A bord les notes et les croquis se multiplient… Pour nous l’occasion de remettre la ponctuation : « Marins à l’encre : sympathiques ! »