La navigation à la voile est une longue école de patience et d’adaptation au milieu naturel. Eole ayant décidé de souffler très fort dans le mauvais sens (pour nous), nous voici donc bloqués pour trois jours au moins au milieu de nulle part dans une vaste baie, condamnés à regarder de loin rivages bruns et sans relief et à suivre les va et viens des uniques habitants du lieu : un goéland et une escouade de canards difficiles à identifier à cette distance. Et que peut-on bien faire sur un bateau à l’ancre, sans liaison internet, sans tv, ni IPhone en état de fonctionner ? Eh bien chacun s’invente une petite vie.
Marc la Bricole révise son moteur et moi, je trie mes photos, entre des pages de lectures (pour le dépaysement du dépaysement, je voyage en Egypte avec « l’immeuble Yacoubian »)et quelques mots fléchés. Nous dérogeons moins que jamais au rituel de l’apéro et après dîner, nous nous faisons une toile sur mon ordinateur, alimenté par notre bonne vieille éolienne qui n’en finit plus de brasser l’air. Du ciné tout ce qu’il y a de plus naturel. Enfin, la nuit (par habitude des quarts ?) nous gardons un œil sur le ciel, au cas où une aurore boréale s’en irait danser. Mais de vilains nuages semblent vouloir nous priver du spectacle. Ça c’est pour le premier jour. Après-demain, je vous dirai si nous sous sommes entre-tués, parce qu’il paraît que tuer le temps rend créatif ou peut, dans un espace restreint, donner des envies de meurtre. Mais pour l’heure, je vous rassure, tout va bien…. Adaptation et patience, vous dis-je, c’est le kit de survie du marin à l’ancre.