« Les bureaux des douanes et de l’immigration de San Fernando seront aux anges de faire vos formalités, moyennant des dessous de table 10 fois supérieurs à ceux demandés ailleurs aux Philippines » Citation du Cruising guide to the Philippines de Conant Webb.
(Précisons que légalement les formalités d’entrée et de sortie d’un bateau sont gratuites aux Philippines, contrairement aux taxes à payer pour la prolongation des visas, qui après 2 mois sont assez chères, 140 US$, mais vraiment officielles, affichées et encaissées contre reçu )
Autant dire qu’on s’attendait au pire, même si l’automne dernier, un bateau australien rencontré à Nagasaki nous avait dit avoir fait sa sortie sans problème à San Fernando.
Ce matin donc nous avons débarqué dans la zone portuaire. Première étape, l’immigration. Accueil pas vraiment chaleureux mais très correct. La responsable nous sort quelques formulaires, dont l’un est un certificat de sortie. Elle met le tampon de sortie dans nos passeports et signe le certificat. Il faut que j’insiste pour obtenir au moins un tampon officiel sur le dit certificat, mais finalement elle s’exécute, nous dit de passer ensuite aux douanes… et c’est tout. Pas la moindre allusion à une éventuelle « taxe ». On traverse la rue pour être accueillis par le chef du bureau des douanes. Il nous demande une clearance de notre dernier port, à savoir Subic. Clearance que nous n’avons évidemment pas puisque nous n’avons jamais vu un bureau de douanes depuis notre arrivée aux Philippines. (A Calapan où nous avions fait l’entrée, c’est le bureau de l’immigration qui faisait office de douanes). Regard sombre et sévère du chef… on se dit que c’est le début des embrouilles et que cela va nous coûter quelques dollars. Eh bien non ! Le chef nous fait entrer dans le bureau principal où toute l’équipe nous accueille avec un grand sourire. Pendant que Sylvie fait la conversation sur le chocolat et les montres suisses, le chef me fait remplir quelques papiers puis demande à une subalterne de faire le document de sortie. Et 5 minutes après, il nous tend ce beau document en couleur muni des tampons adéquats avec un « bon voyage » (en français dans le texte !). Là non plus pas la moindre allusion à une quelconque taxe.
Au final on dira que le cruising guide n’avait pas tout-à-fait tord : A Calapan, zéro « bribes » et à San Fernando 10 x plus… mais 10 x 0 = zéro !
Mais attention… il y a des rapaces dans certains endroits : Comme à Subic Bay. A l’arrivée au chantier de Watercraft Venture, où nous avons laissé Chamade une semaine pour aller à Manille, la secrétaire nous a gentiment tendu un papier sur lequel il était mentionné que pour faire une clearance d’entrée ou de sortie, c’était 50 US$ pour les douanes, 50 US$ pour l’immigration et 100 US$ pour le bureau du chantier qui se chargeait des formalités. En gros le tarif du dessous de table affiché « officiellement et sans vergogne !
Vrai aussi que Subic Bay ne nous laissera pas une impression inoubliable. L’ancienne base de la 7ème flotte américaine a été transformée en une zone « free tax ». Une sorte d’ilôt américanisé, séparé par de grandes barrières de la ville d’Olongapo et ses bidonvilles accrochés le long de la rivière.
Un monde à part où se sont construits d’immenses centres commerciaux. Et la foule de traverser en flot continu l’ancien point de contrôle US, devenu douanes, mais où manifestement les contrôles sont légers et la franchise pour achat personnel très élevées.
Seule vraie oasis de plaisir pour nous, juste en face du ponton du yacht club, « Urban deli ». Ouvert par un couple de jeunes français (rencontrés par hasard dans un magasin d’outillage !) ce café-échoppe propose de la vraie baguette, du bon pain, un excellent café italien, des fromages, de la bonne charcuterie et une très bonne viande. C’est assez cher (d’un point de vue philippin) mais c’est vraiment top qualité !
Subic, en quelques kilomètres-carrés, le symbole des tous les paradoxes philippins. Inégalités, corruption… mais aussi gentillesse, sourire, amabilité et honnêteté des gens.
Et c’est bien le dernier paradoxe de ces Philippines. Un pays qui figure au 95ème rang du classement mondial de la corruption (voir Transparancy International), un pays où les inégalités sont criantes et choquantes… et pourtant…
Jamais nous n’avons vu la moindre tentative d’arnaques ou d’abus sur les prix. Partout une honnêteté stupéfiante, un sentiment de sécurité et une gentillesse incroyable.
C’est cela que nous retiendrons de ces deux mois et demi de voyage aux Philippines. Nous étions venus pour y voir la mer et ses beautés, ses paysages marins uniques… Nous avons trouvé tout cela, mais nous avons surtout découvert un peuple magnifique, digne, travailleur et ouvert.
Nous repartons imprégnés de son sourire, avec en tête juste une question :
Comment un peuple aussi magnifique peut-il être dirigé par un Etat aussi corrompu ?
P.S : Demain matin, mardi 15 mars, nous quitterons les Philippines. Si la fenêtre météo tient ses promesses, nous devrions arriver à Ishigaki, l’île la plus sud du Japon, samedi soir. Fin de l’aventure philippines et nouvelle page japonaise pour Chamade.