Taroa n’est qu’un petit îlot de 2 km2 à l’est de l’atoll de Maloelap, ce fut pourtant l’une des principales bases aéronavales japonaises de la 2ème guerre mondiale.
Et même si aujourd’hui seule une centaine d’habitants (dont au moins 60 enfants) y vivent, impossible d’ignorer le passé, puisque la guerre fait vraiment partie du décor (au sens propre du terme).
Le village est fait de petites maisons au toit de tôle ondulée éparpillées entre les bunkers, les fortifications ou les réservoirs blindés.
Sur la plage un canon tourné vers l’horizon et un chaland de débarquement qui rouille tout tranquillement. Juste devant le village, le mât qui sort de l’eau est celui d’un transporteur de munition de 80 mètre de long, coulé par 15 mètre de fond. En arrivant, un jeune nous conduit vers l’un des membres du conseil du village à qui nous présentons notre permis de visite obtenu à Majuro (permis nécessaire pour chaque atoll des Marshall). Sa maison est juste à côté d’un énorme bunker qui lui sert encore de remise. Puis nous allons payer la taxe de 25$ au policier qui vit, lui, dans un ancien petit bunker. Puis c’est en compagnie de Reny, l’un des instituteurs de l’école flambante neuve (elle a été reconstruite il y a deux ans grâce des fonds américains) que nous partons explorer l’île. Si partout les cocotiers ont repris leurs droits, le sol est encore totalement tourmenté et les énormes cratères des bombes sont parfaitement visibles.
Un peu plus loin, au milieu des pandanus, une dizaines de carcasses d’avions, surtout des fameux chasseurs japonais « Zéro » sont éparpillées, leurs hélices pointées vers le ciel. Nous sommes alors au bord de l’une des 2 pistes de 1500 mètres de long que les Japonais avait construites. C’est dès 1935, après avoir quitté la SDN (Société des Nations) que les Japonais ont commencé à fortifier leurs possessions aux Marshall, et cela dans la plus grand secret. Une manière de préparer la conquête de leur empire au début de la 2ème guerre mondiale (Philippines, Indonésie, Birmanie, Salomon….)
Le 4 février 1942, lors du premier bombardement mené par l’aviation américaine depuis le porte-avion « Entreprise » la garnison de l’île est forte de plus de 3000 hommes. Mais les Américains, après avoir pris le contrôle de Majuro et Kwajalein renoncent à conquérir l’île de Taroa. Ils préfèrent l’isoler, lui couper tout ravitaillement et la bombarder presque quotidiennement jusqu’en août 1945. Au final (après le largage de 3543 tonnes de bombes et le tir de 453 tonnes d’obus de marine) lorsque l’île tombe, il ne reste que 1000 survivants.
Bombardement et famine avaient fait leur effet ! Se promener aujourd’hui dans cette île c’est plonger dans l’histoire. Et comme en Norvège ou à Mourmansk, c’est aussi réaliser concrètement que la 2ème guerre mondiale s’est aussi jouée sur des fronts dont on parle peu en Europe, où l’incroyable coup de force du débarquement du 6 juin 44 fait trop souvent oublier le reste. (Un film sur Taroa sera mis sur le blog au prochain point internet!)
N.B : Poser des questions aux habitants de l’île, c’est surtout constater que s’ils connaissent les épaves et les bunkers (comment faire autrement!) ils semblent tout ignorer du contexte. Par exemple, Reny, l’instituteur n’a pas pu nous donner le moindre renseignement historique, l’importance de la garnison par exemple. « Les anciens sont morts maintenant… » Seul le « businessman » de l’île (propriétaire du petit magasin et d’un bateau de transport pouvant aller à Majuro) nous parlera de l’époque japonaise, vue selon lui comme une époque de quasi esclavage et de terreur. A Ollot, ilôt voisin, Hutch nous dira le contraire. Son père avait été engagé par les Japonais pour construire les fortifications avant la guerre et c’était alors, selon lui, une période d’abondance.