Première rencontre avec l’Inuit (Les êtres humains)

(Par Sylvie)

J’ai rencontré Amanda, au musée national de Nuuk. J’ai tout de suite eu le coup de foudre pour son visage rond, ses joues tombantes, ses petits yeux scrutateurs et son air sérieux, pour ne pas dire imperturbable. Dans des temps anciens, Amanda est venue d’Asie par l’Alaska, le détroit de Béring et le Canada. La main qui l’a sculptée s’en est bien souvenue, sans que l’on sache si elle est d’origine Saqqaq, Dorset ou Thulé

Aujourd’hui on dira tout simplement qu’Amanda est une vielle dame Inuit, comme celles que l’on rencontre dans les rues de Nuuk ou d’autres villes du Groenland. Des vieilles toute parcheminées à la démarche d’oiseau blessé, qui sortent du supermarché recroquevillées sur leur sac à commission, sur leur canne ou sur leur passé lointain.

Des vielles rubicondes qui se reposent assises sur un banc ou qui se dandinent sous le poids des ans et de la malbouffe. Des vieilles qui picolent leur bière dans le pub du coin.

La différence avec Amanda c’est le regard. Chez les anciens, mais aussi chez beaucoup d’hommes sans âge. Ce regard égaré sur ces faces burinées, usées, raturées par trop d’alcool, trop de colonisation (danoise), trop d’acculturation.

Ce qui frappe en arrivant au Kalaallit Nunaat (Groenland en Inuit) c’est ce fatras de mâts dans les ports encombrés usines à poissons et des réservoirs à pétrole, ce fatras de baraques en bois de couleurs, perchées n’importe comment sur la roche, au milieu des escaliers de bois qui grimpent jusqu’au ciel et des barres carcérales des immeubles gris et surpeuplés. Rien ne semble à sa place au milieu de cette immensité de roches et de neiges.

Ni ces petites églises (luthériennes) qui jouxtent les supermarchés, ni ce linge qui sèche aux fenêtres, comme à Naples ou à Alger, , ni ces tupilaks (créatures spirituelles sculptées dans la dent de morse) exposés dans l’encadrement d’une fenêtre, comme pour appeler à un retour aux sources du chamanisme, ni ces vieux Inuit d’un autre âge, fermés et silencieux, ni ces jeunes branchés sur des modes qui ne leur appartiennent pas vraiment. Rien ne cadre plus dans le décor où la modernité citadine et l’opulence dispute à la désolation, le droit d’exister.

Amanda, qu’en penses-tu ?

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