Sous le soleil et vue de loin, Resolute (250 habitants) fait l’effet d’un mirage, d’une oasis au milieu du désert, palmiers en moins. De plus près, c’est…plutôt « il était une fois dans l’Ouest », version Grand Nord, quand il y a du soleil. D’ailleurs il est évident que nous sommes désormais en Amérique. Les maisons n’ont plus les couleurs ni l’aspect scandinave. Des rectangles en bois, avec chacun leur petite citerne à mazout sur le côté et deux portes d’entrée dont la première reste toujours ouverte pour que le quidam surpris par l’ours puisse s’y réfugier. Une petite église, une grande école avec une place de jeu à la mode groenlandaise et une patinoire à faire pâlir d’envie bien des équipes de hockey. Le tout enguirlandé de fils électriques. Et puis il y les hôtels d’Aziz (le nabab du coin) sorte de petits immeubles en bois, avec quelques pick-up garés devant. En revanche pas de pub : à Resolute l’alcool est tout simplement banni. A l’heure de pointe (vers 18h locales), le trafic s’intensifie au centre ville. Les habitants enfourchent leurs quads et, pétaradant dans des nuages de poussière, parcourent les 500 mètres (au moins) qui les sépare de la Coop : une superette où, en dépit de quelques rayons désespérément vides, nous avons trouvé des bananes, des oranges, des pommes et des tomates. Avec sa bouille blonde toute ronde et son accent québécois, Caroline nous explique que le ravitaillement se fait une fois par mois par avion. Pas facile pour elle de gérer les cuisines du chef Aziz. Caroline et son mari ont choisi de venir s’installer pour deux ans à Resolute où ils ont tous deux trouvé de l’embauche dans la galaxie du maître incontesté des lieux. Elle aime vivre dans le nord. L’année dernière, c’était dans une autre « communauté », mais elle est plus tranquille à Resolute où tout le monde se connaît. Pourtant Caroline ne fréquente pas trop les autochtones : « Pas le temps, dit-elle, quand on travaille 12 heures par jour et 6 jours par semaine…mais les gens ici sont très gentils et accueillants ». Ça c’est vrai. Nous n’avions pas jeté l’ancre qu’une famille en pirogue à moteur de 100 chevaux, est venue nous saluer.
A Resolute, tout le monde est très « friendly » et parle anglais. Même les enfants qui, tout en constituant la moitié de la population, sont parait-ils moins nombreux que dans d’autres communautés. On nous sourit, on nous aborde dans la rue et lorsqu’ils partent lever les filets qu’ils posent dans la baie voisine, les gens nous font signe de la main et nous tire le portrait (ou plutôt celui de Chamade).
Sur la pas sa porte, avec son arrière petite fille, une vieille femme attend que toute la famille soit réveillée (il est deux heures de l’après-midi), pour partir à la pêche. Hier elle a mis à sécher des Arctic Chars (omble chevalier) qui pendent comme de vieilles des chaussettes roses devant la maison, au dessus des peaux de phoque. Non, l’arrière grand-mère n’est pas née ici, mais dans un camp d’Inuits. « En 1959, le Gouvernement nous a dit qu’il fallait nous transférer à Resolute ». Elle y venue avec son mari, aujourd’hui est décédé. Mais elle a parfois encore le mal de sa « communauté » d’origine. Voilà qui vient nous rappeler que les Inuits qui vivent au Nord du Nunavut, ont purement et simplement été déportés, avec promesses d’indépendance et de vie prospère sur une nouvelle terre. Il leur reste la chasse, la pêche… l’assistance publique, la Coop, le monopole d’Aziz et les quads. Quand nous avons quitté Resolute, il faisait gris et le village comptait une maison de plus elle n’avait que le plancher quand nous sommes arrivée. C’est qu’on construit et vite, dans ce grand Nord désertique. En vue sans doute d’une présence renforcée de l’armée et de l’Etat canadien qui entend bien réaffirmer sa souveraineté sur Passage du Nord Ouest. Souveraineté contestée par ses voisins (notamment les Etats-Unis) pour qui le réchauffement climatique, dans l’océan Arctique est une promesse de nouveaux business.