Le ciel est clair, pas un nuage, la lune au premier quartier est au firmament : dans la douce chaleur de la nuit tropicale Chamade déroule son sillage. La brise est faible, à peine 12 nœuds, mais les conditions semblent tellement stables que nous avons envoyé le code D pour la nuit. Demain matin, lorsque le jour se lèvera, Hiva Oa, notre première île des Marquises, sera juste devant l’étrave.
Sans surprise, puisque nous aurons suivi toute la nuit la petite icône sur l’écran de l’ordinateur de bord, se rapprochant inexorablement du but. Les moyens de navigation modernes ont du bon, mais on est bien obligé de reconnaître qu’ils enlèvent un petit peu de sel et d’émotion au moment de conclure cette longue traversée de 18 jours à travers le Pacifique.
Il y a presque 30 ans, lors du premier tour du monde avec Chiloé, alors que nous approchions de Fatu Hiva , au terme de 23 jours de traversée depuis les Galapagos, l’excitation était tout autre. L’apparition, au lever du jour, des montagnes de l’île noyées dans les nuages, avait d’abord été un grand soulagement. Et une grande fierté: la position calculée au moyen du sextant était exacte et l’atterrissage avait ainsi quelque chose de magique. Et nous étions bien placés pour savoir qu’une erreur de calcul pouvait se payer très cher ! (Voir récit dans la page « Expéditions passées ») Une magie que le GPS et sa position à 5 mètres près ont considérablement entamée aujourd’hui! Mais les avantages sont tels que cela ne se discute même pas !
Reste donc tout le reste. La fierté d’avoir traversé sans encombre cette immense partie d’océan. Plus de 4500 kilomètres en 18 jours (un avion le fait en moins de 6 heures!) . Une belle aventure vécue à deux, dans un petit monde rythmé par les quarts (et les grains!) Une grande solitude puisque, hormis le senneur et son hélicoptère aperçu le 3ème jour, rien sur l’horizon. L’ordinateur nous a bien signalé le croisement d’un cargo, mais il était encore à près de 30 km et donc invisible. Des moments de navigation magiques dans le bleu de l’alizé, mais aussi des vents faibles dans l’ensemble. 2 jours tout de même de longs surfs au portant au nord de l’équateur.
Et puis, aussi, ces 2 jours d’apocalypse au cœur d’une onde tropicale, avec son ciel d’encre, ses grains violents et incessants, ses pluies torrentielles aussi. Mais tout cela est déjà oublié, ces 3 derniers jours auront été parfaits, confortables et rapides.
Ce soir à l’apéro, on a célébré une belle équipe efficace. Prête à découvrir la magie des Marquises en compagnie de Teiki et de Ghislaine qui vont nous rejoindre d’ici peu.