Yamagawa, Kyushu, 5 mai.
Naviguer au long court, c’est choisir une vie de lièvre. Toujours aux aguets, toujours prêt à réagir, toujours prêt à fuir.
Et c’est, oh combien, le cas au Japon au vu de la météo qui change en permanence. Outre la dépression hebdomadaire, il y a la saison des typhons qui commence et elle démarre au quart de tour avec l’arrivée prochaine de Noul : typhon de catégorie 1, qui menace actuellement la côte est des Philippines et devrait remonter le long de l’archipel japonais dans les 4 prochains jours.
Nous vous avions laissé sur l’île d’Amami, nous voici déjà à Yamagawa, à l’entrée de la baie de Kagoshima au sud de Kuyshu, l’une des principales île du Japon. Car, en bon lièvres, nous avons dû fuir plus rapidement que prévu vers le nord. Entretemps, il y a eu la traversée d’Amami vers Yakushima. Elle avait commencé, comme annoncé par la météo, par un long calme plat et donc quelques heures de moteur sous le soleil. La nuit, comme prévu, la pluie était venue en même temps que le vent du sud nous permettant une belle remontée à la voile vers cette île montagneuse qui culmine à près de 2000m d’altitude.
Le front chaud nous recouvrait en début de matinée et le vent, toujours comme prévu, montait à 15-20 nœuds sous une pluie battante alors que nous passions devant le port de pêche d’Ambo. Un abri peu fiable, malgré ses immenses jetées, selon les renseignements de quelques illustres prédécesseurs, et surtout suroccupé par une flottille de pêche très active. (Renseignements exacts, comme nous avons pu le vérifier lors de notre passage en voiture quelques jours plus tard !). Nous étions à moins de 15 minutes de l’entrée du port de Myanoura, lorsqu’ un gros front nuageux nous tombait dessus, soudainement, avec un vent montant à 35 nœuds.
Beaucoup trop risqué de devoir manœuvrer avec un tel vent dans ce port inconnu, dont le bassin de pêche est très étroit. On a donc décidé de faire le gros dos en restant à la cape devant le port. Il restait 3 heures de jour, on allait bien voir ce qu’on allait voir. Mais deux heures plus tard, aussi soudainement qu’il était venu, le vent avait disparu. Un calme plat total qui nous permettait de nous glisser dans ce petit, mais excellent abri.
On se disait qu’on allait passer du bon temps durant quelques jours dans cette île magnifique. Et comme prévu, après la pluie le beau temps… place aux randonnées en forêt. D’autant plus que la météo ne laissait pas entrevoir de vents favorables avant 4 à 5 jours. Mais, en bon lièvre, on gardait un œil sur les prévisions. 2 jours plus tard, le mercredi, au retour d’une belle ballade en forêt, la météo avait changé. La pré-alerte était lancée pour le typhon Noul.
Il était certes encore bien loin, ne devant arriver que dans une bonne semaine, mais, plus gênant, la fenêtre du week-end à venir n’existait plus. Une nouvelle dépression se creusait plus vite que prévu. Décision immédiate de partir dès l’aube le lendemain pour Yamagawa, réputé très bon abri en cas de typhon.
C’est ainsi que le lièvre se retrouve ici, guettant l’approche de Noul en espérant que « la chose » passera au large, comme les dernières prévisions le laissent présager. Car ici, si l’abri est parfait, y compris en cas de gros coup de vent ou de typhon, nous venons de l’apprendre, les pêcheurs tendent de longs bouts en travers du port pour mieux tenir leurs bateaux. Si Noul se renforce, nous ne pourrons pas rester là où nous sommes amarrés et devrons alors aller voir ailleurs. Mais où ? C’est à voir demain. D’ici là, l’œil aux aguets, le lièvre attend de voir ce que Noul, le prédateur, va bien vouloir faire dans les jours qui suivent.
P.S: de passage à Ambo, nous avons pu découvrir ce port très actif, mais aussi très encombré, dont la spécialité est la pêche au poisson volant. On en fait un excellent shashimi.