“ It’s possible, but it could be complicated”
“Yes! We did it!”
Entre ces deux phrases, une longue histoire faite de suspens mais ce n’est pas celle du Passage du Nord-Ouest dont il s’agit.
Le sujet : la mise à terre de Chamade à Nome : la belle affaire.
Tout commence vendredi 16 au soir avec les mises en garde de Rolland : « Ici rien n’est prévu pour ça et tout peut être vite compliqué. Si vous avez encore le temps, le mieux serait de filer plus au sud, à Sand Point dans les Aléoutiennes, où il y a un travel-lift et des installations plus pratiques ».
Le week-end se transforme en round d’observation, d’abord de la météo pour voir si une traversée de 5 jours vers le sud est possible. Hélas, il faut vite déchanter, les fichiers grib indiquent une série de dépressions se succédant toute la semaine, avec des vents de près de 50 nœuds sur les Aléoutiennes (des prévisions qui s’avèreront parfaitement exactes !). Pas questions donc de continuer, il va falloir faire avec les moyens disponibles à Nome. Pas terrible à vrai dire puisqu’au ponton il n’y a ni l’eau ni l’électricité, pas génial pour les préparatifs d’hivernage.
Samedi 17, Joy, la « harbor master » nous confirme ce qu’elle nous avait écrit par mail, à savoir que les pêcheurs locaux disposent d’un trailer (un remorque hydraulique) permettant de sortir leur bateau et qu’il y a une grue sur le port, mais, mise en vente, son avenir est désormais incertain.
Lundi 19, contact est pris avec Robin, l’un des pêcheurs qui m’emmène voir leur trailer, tout en précisant qu’il n’assume aucune responsabilité et qu’il faudra qu’on effectue la manoeuvre nous-mêmes. Pas très engageant. Et de plus il faut encore demander à Adam, l’un des autres pêcheurs qui a aussi son mot à dire. Problème : Adam est en mer.
Mardi 20, le voilà de retour : il ne nous dit pas non pour le trailer mais nous pousse avec insistance à choisir la grue. Nouveau problème, il nous faut, malgré l’aide de Rolland, 3 jours pour arriver à contacter le patron de la grue. Au final la réponse est pour le moins problématique. Outre le prix (1200 à 1500 dollars le grutage) aucune garantie n’est donnée que la grue sera encore là en juin prochain pour la remise à l’eau.
On décide donc de se rabattre sur le trailer, qui après qu’on l’a mesuré sous toutes ses coutures, semble pouvoir convenir. Mais reste encore à prévoir aussi le calage (blocking) du bateau une fois au sec. Coup de chance, en visitant le musée local et en racontant nos préoccupation à la gardienne, celle-ci nous dit que son mari Roger déplace des maisons (rappelons qu’ici toutes les maisons sont juste posées sur les blocs de bois) et qu’il pourrait le faire. Le temps d’un coup de fil et c’est ok.
Jeudi 22, il faut trouver encore un conducteur d’engin (front loader operator) pour tirer la remorque. A nouveau des coups de fil pour finalement réussir à joindre Chuck, qui accepte de le faire après ses heures normales de travail, moyennant 150 dollars de l’heure. C’est top, cette fois-ci tout est ok, sauf que les pêcheurs, dont il faut encore obtenir l’approbation finale sont partis en mer pour 4 jours ! Mais ils devraient être de retour dimanche. On cale donc l’opération « lifting » pour lundi soir. Rolland qui s’absente professionnellement pour une semaine ne pourra pas nous aider, mais il nous apporte encore vite un générateur électrique pour pouvoir finir de charger les batteries lorsque Chamade sera perché sur sa colline, loin de toute prise électrique.
Dimanche 25… personne à l’horizon. On attend toujours, mais pas vraiment zen !
Lundi matin 26… personne… A midi, personne, on rappelle tout le monde pour renvoyer à mardi. Le temps commence à presser, l’avion est jeudi matin !
En milieu d’après-midi Robin est de retour, ouf ! On confirme pour mardi.
Mardi 27, dernier contrôle chez Joy, la harbor master. Problème: une grosse barge de transport occupe la rampe où nous devrons sortir Chamade le soir même. Mais Joy obtient la garantie qu’elle sera partie en fin d’après-midi. « You know, Mark, here everything is flowing” (tout est fluctuant). Ca pour le moins, on commence à s’en apercevoir!
A 19h enfin, nous attelons le trailer et le mettons à l’eau. Un quart d’heure plus tard on y installe Chamade. Robin est là pour aider mais me laisse les commandes hydrauliques, question de responsabilité ! Dire qu’il n’y a pas de stress serait un peu exagéré !
Quand cela semble bon je fais signe à Chuck de commencer à remonter la remorque. Le suspens est total, mais à mesure que la coque sort de l’eau je peux constater que mes repères étaient les bons, Chamade est parfaitement posé sur l’engin. Reste encore à parcourir les 500 mètres de route qui mènent au sommet de la petite colline où se trouve l’enclos de stockage.
Finalement alors que le soleil disparaît derrière l’horizon, Chamade repose sur ses cales. Rendez-vous est pris encore pour demain avec Roger pour terminer le calage. Tout le monde s’en va satisfait. On se regarde avec Sylvie…. « Yes.. we did it ! » Ouf !
A coup sûr le plus gros stress de l’expédition 2011!